« Un être vous manque et tout est dépeuplé », disait Lamartine. Et c’est bien ce qu’essaie de faire comprendre la douce princesse du récit aux trois seigneurs des royaumes voisins. Elle a bien 752 lapins, mais chacun est unique et c’est pourquoi il lui faut absolument retrouver celui qui s’est enfui. Devant l’absence de compréhension de ces hommes – l’un lui dit qu’elle se remettra vite, l’autre lui rappelle qu’il lui en reste 751, et le dernier, enfin, lui suggère de prendre un bain avec une limonade et un livre pour se changer les idées – elle file voir la sorcière qui pourra sans doute l’aider. En effet, la femme sait bien où est le lapin et révèle les épreuves que devra affronter la princesse pour le retrouver. Ne reste plus qu’à voir si elle est prête à mener cette quête…
Avec ce conte résolument moderne à la finale surprenante et déstabilisante, François Blais offre un récit sympathique qui fera rire les petits, mais interpellera aussi les plus vieux, ceux qui ont l’habitude des contes et des personnages principaux prêts à mener toutes les quêtes (même les plus insensées) pour arriver à leurs fins.
Rien dans le début de cet album, où on nous présente une princesse « très belle, très gentille, très riche et qui sentait très bon », ne nous prépare à la finale. Et pourtant, malgré ce début très classique, François Blais propose un récit qui fait éclater les codes du genre.
Avec beaucoup de dérision, il établit d’abord le lien très fort entre la princesse et son lapin. D'ailleurs la première répond aux seigneurs qui viennent la consoler en lui disant qu’elle va l’oublier qu’ils ne comprennent « rien à l’amour ». Mais quand la sorcière lui parle d’ogre, de montagnes à gravir et de marais infestés de serpents, tout cela est remis en doute. Est-ce que la quête en vaut vraiment la peine? Cette posture de l’héroïne est surprenante, dérangeante pour le lecteur habitué à voir les héros ne se poser aucune question et affronter mers et mondes. Et pourtant, on est dans quelque chose de plus réaliste ici : affronter tant de danger pour un lapin alors qu’il en reste 751?
Pour accompagner le texte de François Blais, Valérie Boivin offre des illustrations à la fois douces et décalées, des images qui peuvent paraitre lisses au premier regard, mais qui révèlent un monde imaginaire à travers des perspectives faussées, des chevaux en bois, des détails posés çà et là pour les lecteurs attentifs. Une association parfaite avec le texte.
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