« Est-ce qu’on peut porter plainte contre sa propre mère pour enlèvement? »
C’est ce qui arrive à Nine, qui se retrouve à rouler dans une voiture avec sa mère en direction d’un chalet familial dont elle n’a jamais entendu parler, sans possibilité d’avertir ses copines que non, finalement, elle n’ira pas à la fête où elle est attendue, sans savoir ce qui prend à sa mère. Cette nuit s’étirera jusqu’à l’aube, dans le chalet où la mystérieuse Titania démêlera la pelote de laine de ses souvenirs, révélant à sa fille qu’elle n’est pas celle qu’elle croit. Non, elle n’est pas orpheline et non, elle ne s’appelle pas vraiment Titania, mais plutôt Consolata. Et qu’elle a deux frères, et une mère. Et une histoire hors norme qu’elle doit lui raconter maintenant, parce que demain les souvenirs viendront frapper à la porte.
Épopée familiale rédigée sous forme d’une histoire que la mère raconte à sa fille, et entrecoupée de leurs conversations au fil de cette longue nuit, ce roman parle de famille, de secrets, de fuite, de différence, d’apprentissage. Complexifié par les retours dans le temps et assez lent dans la structure, il plaira davantage aux grands lecteurs, ados ou adultes.
Oh. Je n’y ai pas tout de suite cru, je l’avoue. Malgré l’amorce très chouette avec cette mère qui enlève sa fille et le mystère autour des révélations qu’elle veut lui faire, j’ai mis quelques chapitres à entrer dans le récit. Mais une fois que cela a été fait, j’ai été complètement emportée par cette histoire de famille magnifique, sur deux générations. En fait, Anne-Laure Bondoux tisse sa toile habilement en installant le mystère dès le départ avec cette mère qui « enlève » sa fille et l’amène dans les bois, dans une petite cabane où elle décide de lui raconter son histoire. Ce sera une longue nuit d’échanges, entrecoupés de discussions, des révélations qui se suivent les unes après les autres pour dévoiler le passé de celle que Nine a toujours connue sous le prénom de Titania, mais qui, bien avant, était Consolata.
« Et même si les souvenirs se bousculent en pagaille dans sa mémoire, il va bien falloir qu’elle fasse le tri pour en arriver, enfin, à cette fameuse nuit de 1986, il y a vingt-neuf ans, onze mois et quelques jours. »
Anne-Laure Bondoux déploie toute l’intelligence de son écriture dans ce récit où les hommes sont présents, mais où il est surtout question de femmes. Des femmes fortes, qui ont pris des décisions difficiles qui ont eu un impact sur tout le reste. Des femmes liées entre elles par le sang. D’abord Rose-Aimée, cette mère qui « arrangeait un peu les affaires », puis Titania, celle qui a dû tout reconstruire, et finalement Nine, adolescente fougueuse, remplie d’émotions, qui réagit avec toute sa force aux révélations de sa mère en laquelle elle se reconnait parfois.
« J’ai haussé les épaules. Je m’en fichais complètement, des gentils et des drôles! Je m’en fichais, du respect! J’avais besoin de magnétisme, d’aventure! J’avais besoin de la flamboyance d’un chef de guerre, quitte à mourir sous les ruines de la passion amoureuse! »
On est à la fois dans une langue très belle, une fluidité dans l’écriture, et dans un récit complètement maitrisé, parfaitement dosé, avec une finale à la hauteur, qui nous laisse un peu essoufflé, rempli de beauté, de zénitude. Soyez avertis, c’est le type de roman après lequel il faut faire une pause pour laisser l’histoire vivre encore un peu en nous.
À noter que L’aube sera grandiose a remporté le Prix Vendredi, nouveau prix français de littérature jeunesse qui se veut l’équivalent du Goncourt (mais qui a manqué de visibilité médiatique). Et cette récompense est on ne peut plus méritée. Chapeau!
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Si j'étais cinéaste, je me jetterais sur cette oeuvre pour l'adapter au cinéma! C'est dire la richesse des images qui sont nées dans ma tête à la lecture de ce roman.
Le nombre imposant de personnages de cette saga familiale méritait bien une structure lente. Ces personnages, tous hauts en couleur, sont d'ailleurs dépeints avec beaucoup de finesse.
J'ai bien aimé la double voix du récit, qui permet de distinguer le présent (narrateur externe) et le passé (narrateur interne).
Tout un roman!