Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse
« Quand j’étais petite, mon grand-père me racontait souvent la même histoire. Comme toutes les bonnes histoires, elle commence par il était une fois. Il était une fois un rat. Voire deux, voire trois…voire quatre ou cinq ou six mille rats. » Popi raconte ainsi avec entrain et sans relâche Le joueur de flûte de Hamelin jusqu’au jour où il s’éteint. Désolée, dévastée Ameline est alors contrainte d’aller vivre ailleurs, dans un nouveau village où elle fait la rencontre d’une joyeuse bande d’enfants qui semblent venus d’un autre temps. « Il y avait une trentaine d’enfants, certains étaient tout petits. Tous portaient des vêtements vieillots […] et ils avaient les pieds trempés. » Orphelins, ils semblent par ailleurs sans domicile, ne vont pas à l’école et passent leur journée à jouer. À coups d’indices, de questions et de souvenirs qu’elles tient de son grand-père Ameline voit alors la fiction et la réalité s’entremêler. Et si ces enfants étaient ceux du conte de Hamelin ?
La revisitation par Beauvais de la légende – mise à l’écrit aux XIXe siècle par les frères Grimm – remet à l’honneur les thèmes de la disparition, mais insiste sur ceux de la renaissance, de l’amitié et du respect des traditions.
Clémentine Beauvais a décidément l’art de conter. On se souvient de l’album La louve, ce récit fantastique dans lequel le canidé, pour se venger des hommes qui lui avaient pris son petit, venait se faire justice en attirant une fillette dans son monde.
Ici, elle réécrit la vieille légende allemande tout en conservant l’esprit mystérieux et inquiétant, étonnant propre au texte ancien. Grâce à une écriture à la fois simple et rythmée – fort d’une narration au « je » et de l’abondance de dialogues – elle réussit à joindre le passé du grand-père, la force de la légende et le présent d’Ameline avec finesse et rigueur.
S’ajoute à ce texte sensible, les illustrations d’Antoine Déprez – avec qui Beauvais avait travaillé sur l’album La louve – enveloppent le récit d’une aura bienfaitrice. La candeur dans le regard des personnages enfants, le choix des couleurs et ses variations, notamment pour délimiter la part de réel et de mystère, les gros plans faits sur les visages, témoignant tantôt de la joie de vivre ou alors de l’inquiétude, et le style réaliste poétique de Déprez épousent avec un naturel remarquable le texte de Beauvais. Un très bel album à lire, découvrir, partager pour que vive la légende.
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