À la manière d’un conte de fée, on nous raconte l’histoire d’Elphège Tremblay, jeune homme sans histoire, anonyme, voire invisible, qui aurait bien aimé être autant adulé que le célèbre Elvis Presley. Qu’à cela ne tienne « peut-être que les filles m’aimeraient plus si je lui ressemblais ? » se dit-il un jour. Ce frêle rouquin se lance alors dans une métamorphose spectaculaire. Coiffure à la Elvis, vêtements brillants, chaussures bleues et Cadillac rose, il joue le tout pour le tout afin de devenir aussi grand et populaire que la star. « Désormais tout le monde devrait l’appeler Elvis Tremblay. »
Il poussera même le concept en se rendant à Memphis dans l’espoir de rencontrer le chanteur et lui offrir ses services : « Quand il verra à quel point je lui ressemble, il voudra sûrement devenir mon ami […| je pourrai le remplacer s’il est fatigué de chanter et toutes les filles seront folles de moi. »
Si l’album peut, en apparence, sembler s’adresser aux petits – couverture criarde et attrayante, texte bref – les thèmes de l’identité, de l’acceptation de soi mis en scène ici par le biais de ce personnage adolescent sauront assurément rejoindre les plus grands.
Que de bonheur vécu à la lecture de ce tout nouveau François Gravel! Dans un style tout simple, direct, mais combien percutant, juste et efficace, le prolifique auteur parvient ici faire revivre la fièvre Presley, non seulement celle qui a touché les jeunes filles, mais aussi la plus costaude, la plus grotesque, celle qui a multiplié les Elvis à une certaine époque. Et cette folie furieuse sous-tend avec finesse et singularité le thème porteur et intemporel de l’acceptation de soi. Il fallait y penser quand même.
Et ce texte sans pareil n’a d’égal que celle des illustrations de Jean-Baptiste Drouot. Dans un style caricatural – d’ailleurs tout à fait adapté à l’angle emprunté par Gravel – Drouot offre des personnages au regard expressif. Tout passe par les yeux et la posture des protagonistes, tantôt fiers, tantôt rembrunis, tantôt embrouillés. La variation des plans et des angles joue par ailleurs aussi beaucoup sur le dynamisme de l’ensemble laissant voir l’étendu des paysages – voire l’étendu de la fièvre d’Elphège – jusqu’aux gros plans qui misent sur les instants plus intimes.
Entrer dans l’univers d’Elvis Tremblay, c’est faire un voyage jusqu’à Memphis et savourer plus que tout le retour chez soi – en soi – en y découvrant un lieu simple et accueillant.
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