Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse
« Ce livre est un câlin collectif entre des personnes qui ont touché mon front, mes yeux, ma joue, mon épaule, mon coude, mon ventre…et, surtout, le coeur de celle que j’étais à 10 ans sur un banc d’école dans un pays tout neuf à posséder. » À l’instar de Kim Thuy, qui co-signe la préface de Bagages, mon histoire, quinze adolescents tout juste immigrés en terre québécoise déposent ici leurs mots pour raconter leur arrivée, partager leurs impressions, leurs inquiétudes, leurs doutes, leurs espoirs.
Valeriu Meleca sait que son « imaginé pays / Ne ressemblera pas à la Moldavie » qu’il se trouvera « de nouveaux amis / Comme dans une partie de cache-cache ». Dowoo Kim venu de la Corée du Sud, raconte que « l’immigration est la peine mais aussi la chance ». Il a « dû laisser quelque chose / Dans [s]on pays / Mais [il a] appris / Un nouveau langage ». Mustafa Qureshi se souvient de son Pakistan natal et s’ennui de petits moments précieux qui ne reviendront plus : « À la fin de ma journée / Ma déception est parfois vaste / Ne plus pouvoir me fabriquer / De nouveaux souvenirs avec toi ».
Ainsi, c’est à coups de poèmes d’une grande beauté que la voix de ses enfants immigrants se fait entendre. Peur, espoir, étonnement, ennui, plusieurs thèmes parcours ces poèmes qui restent avant tout une porte ouverte sur l’humanité.
Bagages, mon histoire, c’est d’abord une communion avec l’autre. C’est toucher à la sensibilité de ces immigrants pour qui une nouvelle vie commence. C’est avoir le privilège de comprendre ce qu’ils ressentent, ce qu’ils espèrent, ce qu’ils craignent, ce qu’ils rêvent. Et ils le font sous forme de poèmes brefs et sentis, une finesse d’écriture qui bouleverse.
Si les textes nous font voyager, et saisir la force qui habite ces jeunes, les illustrations de Rogé appuient le propos avec intelligence et grande sensibilité. Il offre un portrait à la fois réaliste et poétique de chacun des enfants, nous plongeant dans leur regard franc et invitant. La sobriété des portraits laisse ainsi toute la place à l’âme de ces jeunes, qui transcende la page.
Un album magnifique, prenant, qui allie art, poésie et ouverture à l’autre avec une beauté peu commune.
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