Ayant perdu la trace de ses parents à l’âge où les fantômes sont encore considérés comme des enfants, le narrateur retrouve un cousin éloigné, Boris, qui l’amène dans un endroit où il imprime des tracts avec d’autres fantômes. Des phrases que le jeune fantôme ne comprend d’abord pas. Mais il fait rapidement la connaissance de Lili, qui lui ouvre les yeux : son oncle fait partie de la Résistance. En effet, les « Fantômes acides » ont pris le pouvoir dans le monde du narrateur et distillent leur haine de « l’Autre », voulant revenir à leur pureté originelle, ce que tous ne voient pas d’un bon œil. Convaincu que son oncle est du côté du bien, le jeune fantôme décide de participer comme il le peut à cette œuvre de résistance, s’infiltrant dans le camp ennemi…
À travers ce roman illustré sur la vie d’un jeune fantôme, c’est de la montée du fascisme et de la force des discours populistes que parle Nicolas Crécy. Comme une fable, le récit choisit une voie détournée pour en fait parler de thèmes durs et actuels, tant aux adolescents qu’aux adultes. Pour grands lecteurs.
Nicolas de Crécy vient du monde de la bande dessinée et il a fait une entrée fracassante dans la littérature jeunesse, remportant entre autres le prestigieux prix Vendredi, avec cette œuvre singulière. On est ici toutefois dans une zone floue entre littérature jeunesse et littérature adulte. Si le fantôme est assez jeune et raconte son monde d’une voix assez naïve (et que son histoire interpelle forcément l’enfant en nous), le propos général et les illustrations s’adressent clairement à un public mature qui comprendra les multiples références à l’Histoire, particulièrement à l’Occupation et à la Résistance (avec une référence surprenante et très chouette à une jeune fille fort marquante).
C’est une lecture différente, qui appelle une certaine lenteur, à la fois pour déguster le texte et pour observer les illustrations en pleine page qui dégagent une certaine mélancolie et fourmillent de détails. Celles-ci enrichissent par ailleurs la narration : on comprend que chaque élément est porteur de sens. Il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce texte qui s’adresse tant aux plus jeunes, avec une intrigue fantastique qui pourrait être prise simplement pour ce qu’elle est, et aux plus âgés, qui pourront aussi voir tout ce qui se cache entre les lignes et peut nourrir la réflexion : sur ce monde des fantômes dans lequel le narrateur se demande si on peut vraiment mourir, puisqu’on n’y est pas vraiment « en vie », sur la famille, sur l’entraide, sur le besoin de résistance, sur les forces de la propagande, sur le danger du basculement.
Parce que la finale de ce roman est très dure, mais aussi tout à fait d’actualité avec un retour des pensées qui ont été le déclencheur de la Deuxième Guerre mondiale et de ses horreurs. À lire. À apprécier. À réfléchir.
Le petit plus ? Il est fascinant de voir comment l’auteur a su rendre attachant un fantôme qui n’est en fait qu’un bout de drap blanc sur l’image. Un tour de force qui rend d’autant plus percutant son récit.
La booktubeuse Lemon June parle vraiment magnifiquement du roman. À découvrir ici !
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