Beethoven et la fille aux cheveux bleus

Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

Après des années de gloire et de succès, le groupe rock des Red Heaven se retrouve devant l’inéluctable : il faut remplacer l’imprévisible bassiste. Peu après, lors d’une semaine à la campagne pour l’enregistrement d'un nouvel album, le chanteur et leader de la formation anglaise, Mark Rochester, fait la connaissance du nouveau membre : une fille à l’allure déjantée, dans la vingtaine, du prénom d’Anna. La rock star n’est pas au bout de ses surprises quand il apprend que la musicienne est contrebassiste dans un orchestre professionnel! Au fil de profondes discussions musicales et culturelles, Mark découvre l’ahurissant tout que forment les différents genres musicaux depuis quelques siècles. En se rapprochant de Beethoven, de Schubert et de Tchaïkovski, pour ne nommer que ceux-là, le célèbre trentenaire serait-il également en train de s’enticher de sa nouvelle bassiste?

Beethoven et la fille aux cheveux bleus est un roman hautement culturel écrit par l’auteur italien Matthieu Mantanus. Principalement axé sur la contribution de la musique et de certains éminents compositeurs dans l’histoire et révélant exclusivement des personnages adultes, il s’adresse à un public mature assoiffé de culture musicale, générale et historique.

Mon avis

Vous connaissez Le monde de Sophie? Beethoven et la fille aux cheveux bleus n'égale pas ce classique, mais, sur la forme, s’en rapproche. Cependant, plutôt que de traiter de l’histoire de la philosophie, le lecteur suit ici le parcours des compositeurs de musique classique. Et plutôt que de mettre en scène une enfant, il présente deux adultes batifolant autour d’une coupe de vin (un Brunello di Montalcino) après avoir écouté Roméo et Juliette (avec Leonardo DiCaprio adolescent, de 1996).

Comment le rock et Beethoven sont-ils conciliables? Répondre à cette question semble être le pari de Matthieu Mantanus. Rapidement, on comprend que l’histoire des Red Heaven ne servira que de décor, voire de prétexte à écrire sur la musique et la culture. Idem pour l’idylle entre Mark et Anna. Si ce sont ces derniers points uniquement qui peuvent vous attirer vers Beethoven et la fille aux cheveux bleus, aussi bien arrêter votre lecture ici : vous seriez vite largués. On est très loin du pouvoir d’attraction de Sophie et de son monde. Si, au contraire, vous êtes surtout curieux de découvrir comment les styles musicaux ont pu s’influencer au courant des derniers siècles pour arriver à ce que nous écoutons aujourd’hui à la radio, et que vous n’avez pas le gout de vous lancer dans un documentaire, là, ce quasi essai de Matthieu Mantanus pourrait vous intéresser.

Le roman est composé de huit longs chapitres sur huit compositeurs ou époques marquantes, et c’est Beethoven qui ouvre le bal! Cette première partie sur ce pilier de la musique est particulièrement bien réussie. Il faut aussi dire que son histoire sort clairement de l’ordinaire. Ce jeune viennois à l’ego démesuré – a-t-il inventé la définition d’une rock star? – savait comment créer la polémique et sortir des sentiers battus du classicisme. Les liens avec l’époque romantique et les courants philosophiques mis de l’avant durant le siècle des Lumières tracent un concis mais assez clair portrait de ce que pouvait représenter la musique de Beethoven. Et quand on sait que celui-ci a écrit ses dernières œuvres, dont certaines de ses plus appréciées, sans n’avoir jamais pu les entendre de ses oreilles, on ne peut qu’admirer avec dubitation ce rebelle d’un autre siècle – et démarrer sa 5e ou 6e symphonie en poursuivant notre lecture!

Tout en continuant de se pencher sur la vie et l’époque d’autres compositeurs, l’auteur avance dans le temps et présente avec le souci de la précision une série d’anecdotes, d’analyses et de réflexions sur l’histoire de la musique. Par la bouche d’Anna, qui déclame son savoir comme une encyclopédie en donnant constamment cours à son émule Mark, on se plonge dans la vie de Schubert, le romantique; du délirant Schumann; de Tchaïkovski et sa prison sociale; de Debussy et Ravel, les impressionnistes; de l’éclectique Stravinsky…

Au final, je ne crois pas qu’un non-initié pourrait réussir à suivre l’avalanche d’informations qu’offre Beethoven et la fille aux cheveux bleus, mais, si la curiosité et un minimum de bagage culturel musical y sont, la qualité des histoires racontées pourra certainement vous intéresser tout en vous invitant à écouter les différentes œuvres discutées.

Merci à l'école des loisirs pour le roman!