Nos vies suspendues

 
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Sophie a apprécié ce livre

Nora et Anis ne se sont jamais remises de cette soirée du 14 juillet pendant laquelle un groupe de garçons a abusé d’elles. La première mange trop, camouflant son corps sous ses rondeurs, la deuxième se défoule dans le sport, a revêtu une immense carapace. Et quand le verdict du procès tombe, trop peu pour ce qu’elles ont vécu, avec deux condamnations, mais aussi trois verdicts de non-culpabilité, tout dérape. Alors que Nora décide d’en finir, Anis, elle, choisit la vengeance. Par la voie de la justice en faisant appel, oui, avec l’aide de Milan, le policier qui les a soutenues dès le premier jour, mais aussi par elle-même. Ils paieront tous.

« Selon les jurés, le non-consentement n'était pas avéré, trois des accusés étaient mineurs, sous l'influence de stupéfiants ; les victimes étaient en état d'ébriété, court vêtues, elles ne se sont pas assez débattues ; des filles délurées en quête d'amours de vacances qui l'ont quand même un peu cherché, des témoins les ont vues se trémousser sur la piste de danse, après tout. »

Abordant des thématiques dures telles que le viol, le besoin de vengeance et le suicide, Charlotte Bousquet signe un roman pour lecteurs avisés.

Mon avis

Nos vies suspendues est un roman dur, que j’ai dû lire lentement parce que c’est dense, lourd, sombre. Et pourtant nécessaire. Charlotte Bousquet est une autrice engagée qui n’a pas peur de parler de sujets difficiles, de mettre le lecteur face aux travers de la société, de le pousser dans ses retranchements. Elle le fait encore une fois ici avec ce thème du viol et de la vie qui suit, mettant la lumière sur les deux personnages féminins, mais prenant aussi le temps de sonder la psychologie des quatre hommes qui ont pris part à l’agression, montrant à travers eux les multiples visages que peuvent prendre les agresseurs, mais toujours avec une certaine distance. En effet, elle a pris soin de la forme dans ce récit et cela s’entend dans le « je » utilisé par Anis, le « tu » réservé à Nora dans le coma et le « il » pour les cinq garçons. Steven, qui est resté là, dans la position du témoin, alors que c’était sa copine qui se faisait agresser. Maël, Enzo, Laurent, et Matis.

Le récit linéaire de l’après-verdict est entrecoupé de passage où une voix haineuse appelle à la vengeance (et enfle au fil du roman) ainsi que de retours en arrière qui montre progressivement le déroulement de cette soirée du 14 juillet et des jugements qui ont suivi. Parce qu’il est question des conséquences du viol et du verdict, mais aussi de la culture du viol de façon plus large et de ces regards extérieurs qui jugent les victimes, rappelant ces « facteurs » qui atténuent le gravité de la situation selon le jury : le fait que les filles aient pris de la drogue, qu’elles aient bu, leur habillement…

De ce fait, la culpabilité au centre du récit. Celle que ces langues de vipères voudraient faire porter aux filles en appuyant sur la « zone grise » du consentement, celle que ressent Milan, le policier qui croit en la justice, mais doit s’avouer vaincu devant le verdict, celle des agresseurs aussi, à divers degrés puisque chacun n’a pas la même implication (même s’ils sont tous coupables, disons-le). La finale va toutefois ailleurs, avec une touche de surnaturel (qui rappelle celle de L’Enchanteur d’ailleurs) et qui vient apporter une réponse différente (décevante ?) de celle à laquelle on s’attendait, mais qui est aussi en soi une ouverture. Je ne dirai rien de plus, mais disons que ça ne m’a pas tout à fait satisfaite.

Pour conclure, je le redis souvent quand je parle de romans qui abordent des sujets d’actualité : c’est une chose d’entendre parler d’un sujet dans les médias, c’est autre chose que de plonger dans la psychologie des personnages, de s’attacher à eux, de découvrir leurs pensées. Forcément, notre réflexion va plus loin. Difficile d’imaginer qu’après avoir lu ce récit le lecteur pourrait encore penser « elle l’a bien cherché » devant un cas semblable…  

Merci à Scrineo pour le roman et à Pierre-Alexandre Bonin pour sa révision du billet!

Billet corrigé par Antidote 9 juste avant d'être publié par Sophie le 23 mai 2019.

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Nos vies suspendues
Charlotte Bousquet
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