« M. Schoupe m’a tendu la main.
-Bonjour, petit. C’est quoi ton prénom ?
-Joséphine.
-Joséphine, comme une fille ?
- C’est une fille, papa.
M et Mme Schouppe m’ont examiné de haut en bas, de bas en haut. Je suis habituée à ce regard incrédule. J’y réponds toujours par la même moue indéfinissable, quelque chose entre ma propre surprise et la fatalité. »
Jo se fait appeler It à l’école, un surnom qu’on a voulu méchant, mais qui lui plait bien. Il faut dire qu’avec ses cheveux rasés et son look androgyne, elle ressemble plus à un garçon qu’à une fille. Même un réalisateur a interpelé ses parents dans un café pour lui offrir le rôle d’une jeune fille qui vit une transition. Mais Jo n’est pas prête à mettre des mots sur son malaise. Du moins jusqu’à ce que son appartement flambe (par sa faute, pense-t-elle) et que les flammes éveillent en elle un besoin irrépressible de s’exprimer.
Après Je suis qui je suis, Catherine Grive aborde la question de genre dans ce court roman tout en introspection et en sensibilité. S’il ne donne pas toutes les réponses (la finale est d’ailleurs ouverte), le roman éveilla la réflexion et montre tout le courage qu’il faut parfois pour trouver les mots.
«- Quel garçon manqué tu es ! avait ri Marie-Antoinette en payant à la caisse.
Jamais cette expression me concernant, moi ou quelqu'un d'autre, ne m'a paru adaptée. Le contraire de "garçon manqué", c'est quoi ? Une fille réussie ? Et si une fille est ratée, c'est pour quelle raison ? Parce qu'elle est un garçon ? Parce qu'elle est un garçon et une fille à la fois ? »
C’est un bizarre de roman que celui-ci et même au moment où j’écris ces lignes, je ne suis pas tout à fait sure de ce que j’en pense. En effet, si la question du genre apparait rapidement, c’est l’incendie qui a ravagé l’immeuble de Jo qui prend presque toute la place jusqu’aux vingt dernières pages. Tout le questionnement de Jo passe donc au second degré, sous le filtre de la culpabilité de l’adolescente par rapport à ce briquet qu’elle a peut-être laissé allumé.
Oui, l’incendie est l’évènement qui fait basculer Jo et lui donne le courage de s’ouvrir à ses parents sur son ressenti et on suit l’évolution de sa pensée au fil des souvenirs et des petites anecdotes qui ponctuent son quotidien, mais le questionnement à propos de son genre semble quand même passer en second plan, ce qui est étrange.
Si on passe par-dessus ça, je dois dire que Catherine Grive a une plume particulièrement sensible et parfaite pour ce genre de récit. On sent son amour de Jo dans son écriture alors qu’elle la dévoile sans aucun jugement et laisse libre cours à son ambivalence. La finale, toute en nuances, est d’ailleurs tout à fait dans cette lignée. Parce que les certitudes sont bien rares dans la vie…
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