Le narrateur a décidé d’arrêter de vivre, d’arrêter de manger pour que son entourage se rende compte de la détresse dans laquelle il se trouve, garçon différent, dans une Abitibi trop petite pour ses ambitions. Mais sa mère, plutôt que d’entrer dans son jeu et de le plaindre, lui dit plutôt de se botter le cul. Se botter le cul ? Et si c’était vraiment ce qu’il fallait faire ?
Déterminé à acquérir suffisamment de vécu pour être accepté à l’Académie nationale d’art dramatique, il décide que c’est assez de jouer la victime et qu’il n’en tient qu’à lui de se faire inviter aux partys, de boire de l’alcool, de prendre de la drogue, de vivre des expériences sexuelles. Bref, de sortir de sa coquille et de « vivre » vraiment. Mais parfois, s’émanciper, c’est aussi se mettre en danger…
Antoine Charbonneau-Demers signe un récit qui aborde l’acceptation de soi, parlant en parallèle de l’adolescence en général, d’amitié et de manipulation psychologique et de la découverte de la sexualité d’un adolescent gai. N’hésitant pas à être cru dans certaines scènes, l’auteur s’adresse aux lecteurs avisés !
Antoine Charbonneau-Demers s’est inspiré de sa propre histoire pour raconter celle de Baby Boy, un adolescent trop à l’étroit dans sa vie, qui n’ose pas, qui a peur d’assumer qui il est (entre autres son homosexualité, mais aussi son humour trop efféminé aux yeux de certains), peur de vivre. Mais si on le rencontre dans un moment de grande détresse, il prend rapidement le taureau par les cornes, décidant de se « botter le cul » justement.
Drogue et alcool, c’est encore relativement facile. C’est ainsi qu’il se rend avec ses amies Romy et Anaïs dans ses premiers partys et vit ses premières expériences (avec la Bud light lime offerte si gentiment par sa mère !). Côté sexualité, toutefois, c’est plus compliqué dans une école où les préjugés sont tenaces. Et c’est ce thème de l’orientation sexuelle qui ressort particulièrement du roman.
Parce que celui qui se fera rapidement surnommer Baby boy est gai, mais qu’il ne sait pas comment le dire, l’accepter, l’assumer, depuis une scène difficile avec son cousin qui lui a donné envie de rentrer dans sa bulle, de se protéger. Mais aussi parce qu’en voulant se rapprocher d’élèves de l’Académie nationale d’art dramatique, il entre en contact avec un Marc-André, un homme de cinq ans son ainé qui décèlera rapidement chez lui une volonté d’explorer, une avidité d’expériences… et choisira d’en abuser. Cette relation malsaine s’échelonne tout le long du roman (et m’a mise parfois vraiment mal à l’aise parce que le narrateur s’y englue et qu’on le voit souffrir), venant faire contrepoids au reste du récit. En effet, même s’il y a des moments compliqués, notamment en amitié, Baby boy semble prendre des forces au fil des pages, apprenant à s’accepter, décidant de faire fi de ce que les autres pensent, voire de provoquer leurs réactions, et assumant son côté artiste pleinement. Mais sa relation avec Marc-André le tire vers le bas, le place en position de dominé, vient le faire douter. Si c’est intéressant (notamment parce que ça montre qu’il faut savoir mettre ses limites), le traitement de cet aspect du récit m’a surprise. Oui, dans la vraie vie, les « méchants » ne sont pas tous arrêtés et punis, mais généralement en littérature jeunesse il y a quand même un retour sur ce qui s’est passé. Ici, peut-être parce que c’est un livre annoncé 16 +, la fin de la relation entre Baby Boy et Marc-André est rapide. On passe par-dessus pour arriver à la vraie finale (et alors là, on joue avec le côté réaliste, offrant à l’artiste une sortie de scène digne de ses espérances), sans revenir sur les séquelles potentielles, sur la dangerosité d’un tel comportement, sur son impact sur un adolescent en découverte de soi. Bref, j’aurais aimé que ce soit plus fouillé. N’empêche, on s’attache vite au personnage, c’est beau de me voir grandir, s’émanciper, assumer qui il est… et arriver du même coup à prendre le dessus sur ses détracteurs. De quoi donner espoir !
Le petit plus ? Ça se passe en Abitibi et c’est bien ancré dans cette région du Québec, ce qui nous sort de l’habituel décor montréalais des romans pour ados même si la narrateur y vient pour son audition et qu’on sent sur lui tout l’attrait de cette ville !
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