Ce jour-là, elle est morte sous le cerisier. Sous les coups de bassin de ce garçon qu’elle avait pourtant aimé et qui s’était transformé en monstre. Trois mois plus tard, elle se rend à la gendarmerie pour dénoncer son agresseur. Mais les doutes de l’homme qui lui font face emplissent l’air du petit bureau et lui en volent son oxygène. Pour le convaincre, il faudra revivre, encore et encore, ce moment où elle est morte.
Nastasia Rugani signe un texte fort, rempli de douleur, complexe tant dans ce qui est présenté que dans sa forme, un monologue quasi ininterrompu qui ne reprend pas son souffle. Attention, c’est une œuvre pour grands lecteurs et lecteurs avisés puisqu’il parle de viol et dénonce le malaise des autorités et la maladresse de ceux qui devraient pourtant aider.
C’est un livre d’une grande intensité qui nous met face à la détresse du personnage principal. La douleur de son viol, d’abord, sa mort intérieure, puis celle, incomparable, mais néanmoins presque aussi puissante, de devoir tout revivre, de devoir faire face à un inspecteur qui ne la croit pas, qui pose des questions douloureuses, qui revient sur des détails, qui la force à vivre et revivre chacun des moments.
Au fil des pages, le lecteur s’insurge devant le système qui ne reconnait pas son statut de victime. On découvre aussi l’autre douleur, celle crée par le lien d’affection entre la narratrice et son agresseur : elle l’aimait, qu’elle lui faisait confiance, ce qui rend, si possible, le viol encore plus choquant.
Ce livre est une « déflagration poétique » comme le dit si bien Télérama. C’est brutal, rempli de figures de style, de mots relevés qui montrent à la fois la distance que doit mettre la narratrice entre elle et ce qui s’est produit pour arriver à être là, et toute la force de l’évènement et qui la parasite complètement. Je l’ai lu d’un seul souffle, mais ce fut difficile parce que, forcément, on est empathique, et qu’on est impuissant devant sa douleur et face à l’incompréhension, voire le rejet, de celui qu’elle nomme « monsieur l’Officier ». J’en avais des haut-le-cœur. À lire par petites bouchées alors ? Peut-être, mais je dois dire que quand on commence, on peut difficilement s’arrêter. Un livre fort et utile, mais auquel il faut se préparer…
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