Sa mère lui a dit : tu es un homme. Tu redresses la tête, tu ne pleures pas, tu réussis là où tes frères et ton père ont échoué. C’est ainsi qu’il prend la route à 15 ans, d’abord avec les passeurs qui le laissent dans la chaleur, sans nourriture, sans rien à boire, puis dans ce bateau qu’il a construit avec les autres et qu’il espère assez solide pour la traversée et encore sur la route, dans ces pays dont il n’a pas les codes. Une seule destination possible : Paris, cette ville dont son père lui a tant parlé. Un seul nom pour le voyage : Miran.
« Des milliers de fois, j'ai rêvé à ce moment où je poserais mes pieds sur le sol français, mais la réalité n'a pas la couleur de la victoire. Mes morts sont muets et la solitude m'empoigne à la gorge. »
Avec force et souci du détail, Cécile Alix retrace dans ce roman bouleversant le parcours d’un migrant, de son pays natal à la France. Percutant, il s’adresse à un lectorat intermédiaire.
Je m’avance peut-être, mais je dirais qu’il est impossible de lire cette histoire d’un couvert à l’autre sans être complètement bouleversé.e par ce récit, par cette réalité que Cécile Alix rapporte, mais que de trop nombreuses personnes vivent en ce moment même
La dureté (un euphémisme) du parcours, la volonté que ça prend pour affronter chacune des étapes, la chance aussi, parce que tout se joue souvent sur un coup de dés, l’endurance nécessaire, l’abnégation. De soi, de son passé, de ses besoins. C’est une chose d’en entendre parler dans les médias, c’en est une autre de le vivre de l’intérieur, comme ce que la littérature permet.
A(ni)mal, c’est une claque, un de ces livres qui remuent, qui nous met face à l’horreur, mais sans en ajouter, sans misérabilisme, juste la vérité. Froide. Celle qui fait mal et qu’on évite trop souvent de regarder. Mais c’est aussi un roman qui montre la force, la résilience des uns, et qui montre, via certains personnages marquants, qu’une simple rencontre, une main tendue, peut faire beaucoup.
Le roman est d’une grande justesse dans le ton, dans le ressenti, et remarquable dans la forme, le style de la plume s’accordant au rythme du récit, ajoutant de la lumière à différents moments, ce qui permet de garder le fil ténu de l’espoir bien vivant jusqu’à cette fin, surprenante pour certains, qui vient apporter un éclairage nouveau sur l’ensemble.
Non, ce n’est pas une lecture facile, surtout en ces temps complexes, mais c’est selon moi vraiment nécessaire parce que, nous, lecteurices, nous sommes ces « hommes et [ces] femmes [qui]se lèvent chaque matin sans même penser qu’ils sont libres tellement ça leur semble naturel et légitime. » Et qu’il faudrait apprendre à s’en rendre compte tout comme à tendre la main. Merci, Cécile Alix.
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