Dans le village de Latika, c’est seulement la nuit que les femmes se rendent au « champ de la honte » pour faire leurs besoins, elles qui n’ont pas accès aux toilettes. Cela les force à s’assoiffer durant la journée pour ne pas devoir aller uriner, empêche les filles d’accéder à une plus grande éducation, puisqu’elles doivent quitter l’école dès le moment des règles, et cause de nombreuses maladies mortelles dues au manque d’hygiène. Chaque nuit, Latika veut donc enterrer la lune, cette lumière qui les humilie. Mais la jeune fille a aussi un furieux besoin d’apprendre : l’école étant le seul endroit où elle oublie la dureté de sa vie. C’est ainsi qu’elle profite de la visite d’un « représentant-important-du-gouvernement » et des matériaux nécessaires à la construction d’un puits pour mettre son plan à exécution. Mais qu’est-ce qu’une petite fille peut, seule, contre tout le poids d’une culture? Avec ce roman en vers libres, Andrée Poulin parle d’un sujet tabou, mais qui touche 4,2 milliards de personnes (!!!), soit le manque de toilettes. Entrainant son lecteur en Inde, elle a imaginé le récit d’une jeune fille qui décide de faire bouger les choses et parle à travers son aventure de persévérance, d’entraide, de relation homme-femme et de classes sociales avec beaucoup de doigté.
Enterrer la lune, c’est une œuvre hors norme. Pour son fond d’abord, alors qu’Andrée Poulin aborde un sujet méconnu, pas très « attirant » au départ, mais qui est pourtant porteur. À travers l’aventure de Latika, on découvre en effet la réalité de plusieurs femmes en Inde, on parle de classes sociales, d’éducation, de relation homme-femme, de la difficulté pour une femme, et encore plus une fille, de se faire entendre. Le silence obligé que Latika refuse (et ce personnage est extraordinaire). La forme aussi surprend. Les récits en vers libres sont plus rares en français, encore plus au Québec, mais c’est la forme qui s’est imposée d’elle-même à Andrée Poulin et c’est juste parfait. En effet, comme le dit l’autrice, « la poésie […] permet une narration plus délicate, plus subtile, dans une langue plus imagée et plus musicale », ce qui fait en sorte que le récit touche encore davantage. Bref, ce n’est pas un récit nécessairement facile d’approche, mais c’est un livre qu’il faut prendre le temps de rencontrer, de savourer. Pour le texte, oui, mais aussi pour les splendides illustrations de Sonali Zohra, qui sont en résonnance avec la poésie du récit. Chapeau! Merci à la courte échelle pour le service de presse!
Nouveau commentaire