Jefferson, «72 cm de frousse et de courage », est un hérisson sans histoire. D’ailleurs, en ce matin d’automne, il prépare son gratin de pommes avant d’aller se faire rafraichir sa coiffure signature, as houpette, au salon Défini-tif, rêvant d’avoir le courage d’inviter la nièce du propriétaire, Carole, à sortir un soir. Mais voilà, pas de Carole au salon. Juste une porte fermée, une chèvre endormie sur sa chaise et un M. Edgar étendu sur le sol, une paire de ciseaux dans le ventre. Affolé, Jefferson tente de les lui retirer… et se trouve en mauvaise posture quand la chèvre ouvre les yeux. Accusé de meurtre, en fuite, le hérisson timide devra faire preuve de courage pour suivre l’idée de son ami Gilbert le cochon et trouver le véritable coupable pour se faire innocenter. Ce qui passera par un voyage à Villebourg, au pays des humains…
Jean-Claude Mourlevat signe un livre atypique avec ce roman qui allie mystère, enquête, psychologie et solidarité. En suivant les aventures de Jefferson et Gilbert, le lecteur avance peu à peu vers le thème central du roman, le rapport des humains aux animaux, et découvre que c’est en fait un livre engagé que ce petit polar ! Parsemé des illustrations en noir et blanc d’Antoine Ronzon, qui nous permettent de mieux visualiser tous ces personnages, le récit est captivant!
Il y a un peu de Zootopia dans ce roman, dans la présentation des personnages, dans leur façon d’être si « humains » dans leur petite ville. Jefferson le hérisson timide, M. Edgar le blaireau coiffeur, Gilbert le cochon en attente d’aventures… et puis il y a ce meurtre et on change de registre. S’inscrivant dans un tour guidé leur permettant de de rapprocher des principaux suspects, deux humains ayant détalé de la scène de crime, Jefferson et Gilbert découvrent Villebourg en même temps que les lecteurs. C’est une ville humaine où les animaux comme eux sont des créatures curieuses… d’autant plus qu’à Villebourg, on mange toujours de la viande.
« Nous avons bien entendu veillé à ce que vous n’ayez pas de mauvaises surprises dans vos assiettes, n’est-ce pas? Ha ha ha! Personnellement, je n’aimerais pas y trouver un morceau de mon cousin ou de ma sœur, alors je suppose que vous non plus. »
C’est le premier indice de l’engagement de l’auteur pour la cause des animaux, mais ce n’est pas le seul. Rapidement, nos deux héros se rendent compte que M. Edgar était impliqué dans un groupe visant à montrer au grand public les horreurs des abattoirs et que c’est sans doute la raison de son meurtre. Et Jefferson et Gilbert découvriront aussi ce qui s’y passe, l’auteur en profitant pour l’expliquer à son lecteur, description qui a d’autant plus d’impact puisque racontée à travers les yeux de Gilbert... un cochon.
Autour de cette histoire riche, il y a la beauté et la force évocatrice de la plume de Mourlevat. Malgré tout ce qui est abordé, l’impression de douceur est la plus forte, à cause de la bonté des personnages, de leur empathie, des détails sympathiques glissés ici et là. Il y a aussi cette solidarité qui ressort du récit, le groupe des Ballardeaux devant s’unir pour triompher.
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