C’était une mauvaise idée au départ : laisser Nico « emprunter » le chic camion de son beau-père, mentir à tous leurs parents, partir dans le bois avec pas assez de tentes et trop d’alcool. Mais quand un groupe de buveurs de la place les rejoint sans invitation, que les hormones embarquent et que le danger est partout, notamment dans une carabine amenée par Billy pour dénicher du gibier, les risques de dérapage grandissent encore. Ça ne peut que mal finir, non ?
À cran de montagne est un court récit qui alterne les points de vue et parle d’une nuit dans le bois, mais aussi et surtout de relations interpersonnelles. Pour tous et toutes.
J’aime beaucoup la plume de Sébastien Gagnon, auteur qui sort ses personnages de la ville et s’ancre dans la campagne. Il l’a d’abord fait dans un récit plus dense et complexe avec Je ne suis pas une outarde, puis dans un roman fantastique avec La fièvre du buck-garou, et il revient chez Bayard Canada avec cette œuvre, plus lisible que la première, plus réaliste que la deuxième. Je le dis d’entrée de jeu, À cran de montagne est pour moi son meilleur roman.
Dès les premières pages, j’ai cru en Sarah et Billy, les deux adolescents qui prennent principalement la parole dans le récit et ne sont pas, dans le groupe, les leadeurs. L’idée du camping venait en effet de Nico, mâle alpha autoproclamé, et d’Alice, sa copine un peu trop obnubilée. Sarah a dit oui à contrecœur (elle n’aime pas Nico) et sans savoir que Billy serait là. Billy, lui, n’a accepté de venir que parce que Sarah lui plait même si elle ne le connait pas.
« Sarah, elle, trimbale sa propre lumière, peu importe où elle va. Elle est éclairée par en dedans comme un tableau de bord de Subaru. »
La relation entre les deux est intéressante à suivre, d’autant que l’alternance des points de vue permet de voir plus loin que les apparences. Les nuances sont importantes dans l’écriture de Sébastien Gagnon et l’auteur a mis ici en scène des personnages qui, s’ils ont parfois des réflexions un peu plus adultes, évoluent au fil du récit. Et rien n’est ni blanc ni noir, malgré ce qu’on pourrait en penser au départ. J’avoue que la fin m’a d’ailleurs étonnée. Je ne veux pas divulgâcher, mais j’ai beaucoup aimé comment l’auteur a cherché à m’entrainer sur une piste, me donnant des indices pour appuyer mon hypothèse, avant de me prendre par surprise avec une finale que je n’attendais pas. C’était tout à fait satisfaisant !
Je salue ces récits courts et accessibles des éditions Bayard Canada. Ils ne sont pas tous égaux et ne visent pas tous le même public, mais certains, comme celui-ci et Chroniques postapocalyptique d’une enfant sage (et ses merveilleuses suites), peuvent rejoindre (et plaire à) un public plus âgé et plus réfractaire à la lecture. J’adore !
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