La truite

Quand Rafaëlle apparait au moment où son père reprend enfin des couleurs après sa séparation et s’éloigne un peu de lui, Alex y voit un signe. Un destin. C’est la fille de sa vie, c’est sûr. Et ce, même s’il part quelques semaines chez sa mère pendant les vacances et que sa copine va rejoindre des cousins de son côté. Un tel amour ne peut que surmonter la distance, non ? Et si jamais ce n’était pas le cas ?

Avec ce bref récit coup de poing, André Marois s’intéresse à l’amour, oui, mais aussi à l’obsession. Pour un public avisé, sachez-le, parce que la fin est sombre.

L’avis de Sophie

André Marois est un auteur efficace : avec lui, aucun mot de trop, aucune fioriture. C’est une langue précise, pensée, qui va droit au but. Ainsi, le livre a beau être bref, on a l’impression qu’il est complet. On a droit au coup de foudre, d’abord, puis à la spirale descendante amorcée avec l’éloignement, la différence. Parce que là où Alex est solitaire, passif, Rafaëlle est solaire, active. Là où il se renferme et attend, elle profite. Sans lui. Ce qui fait seulement le miner de plus en plus jusqu’au retour et cette finale, forte et dérangeante. Mais complètement inattendue ? Je ne dirais pas ça. Parce que c’est toute la force de l’auteur : travailler la psychologie du personnage dès le départ, placer des indices du malêtre, de son absence de passion, de joie extérieure, du clash entre lui et Rafaëlle. Ça n’explique pas, bien sûr, mais c’est là, déjà, pour l’œil attentif.

D’eux ne fait pas dans la littérature facile et lisse, et cela sa sent encore ici alors que cette finale, sans trop en dire, questionne la posture du lecteur. Peut-on aimer un récit et être profondément mal à l’aise avec sa destination ? Doit-on tout comprendre, tout expliquer ?

En tout cas, La truite frappe fort. Et m’est resté longtemps en tête après lecture, notamment pour ces signes précurseurs placés en cours de route. Dans la vie comme dans la littérature, il faut être vigilant.e…

Livre lu à la bibliothèque de l'école secondaire Chambly !