Matias est en réaction après la mort de son père, photojournaliste qui préférait parcourir les endroits les plus dangereux du monde que de passer du temps en famille, et ne gère pas très bien ses émotions. Pas du tout, en fait, lui qui vient se faire mettre dehors de son école secondaire après une bataille. Médecin intervenant dans des milieux difficiles, sa mère profite de l’occasion pour l’amener avec elle en Ukraine et le forcer à voir le monde sous une autre facette. Et le choc sera grand.
Avec cette histoire qui semble hyper réaliste, Martin Tremblay nous invite à Odessa, dans une zone plus reculée de la ligne de front, ainsi qu’à Kherson, tout près des combats, où Matias fera la rencontre d’Heidi, une jeune Ukrainienne, et de la peur, la vraie, celle qui prend aux tripes. Abordant les atrocités de la guerre actuelle, l’importance de faire circuler l’information ainsi que la réalité sur le terrain, où les espions ne sont pas toujours ceux qu’on pense, ce premier tome s’adresse à un lectorat intermédiaire et avisé.
Elliot Black en zone de guerre est le premier roman de Martin Tremblay, mais ça ne parait pas. D’abord parce qu’on croit tout de suite en Matias, à son côté accro à internet, à ses réactions épidermiques, à son attitude avec sa mère. Ensuite parce que l’auteur est habitué de trouver des angles pour donner de la force à ses images et que ces réflexes lui servent aussi à créer des scènes marquantes tout au long du récit.
De plus, étant allé lui-même deux fois en Ukraine, Martin Tremblay a pu puiser dans ses souvenirs, les décors qu’il a vus sur place, mais aussi toutes les émotions qu’il a ressenties, si bien qu’on sent que le personnage a de la profondeur et que la colère et le désarroi, par exemple, transpercent le papier.
En fait, j’ai été complètement emballée par le début, au Québec, puis par l’arrivée en Ukraine. Même si ce qui est raconté demeure « léger » vu le public cible, l’auteur n’évite pas les sujets choquants comme les vols d’enfants et les crimes de guerre et il est difficile de rester insensible devant le récit de ce qui se passe là-bas, encore maintenant. J’en avais eu un aperçu avec Tout va bien de Xavier-Laurent Petit, mais ici le fait que Matias est un Québécois parachuté en zone de guerre permet encore une plus grande identification (et certains chapitres consacrés à Heidi montrent ce que c’est de l’intérieur).
Mon seul bémol ? J’ai eu plus de difficulté à croire à la partie « agent secret » qui arrive vers la fin et est en lien avec le prologue du récit, où on assiste à la mort du père de Matias, mais c’est typique de ce genre de récit et donc pas un vrai « défaut » du livre. C’est juste qu’il faut accepter quelques coïncidences un peu grosses… et prendre notre mal en patience. En effet, la fin est rageante en sachant que le tome 2 n’est pas encore sorti... mais ça nous force à exercer notre patience !
Le petit plus ? Martin Tremblay a créé en parallèle un compte Instagram au nom choisi par son héros (@elliotblack_photo) pour y publier des vidéos à propos de son processus de création ainsi que des photos de l’Ukraine, comme si son personnage prenait vie.
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