Ils sont quatre et ils ont toujours été un peu à part, un peu spéciaux. Il y a Jamal, qui a l’attitude d’un prince même quand on lui met la tête dans la cuvette des toilettes, Siméon, l’artiste, et Maxine et Maxime, les jumeaux, lui, silencieux, elle, à la lucidité surprenante.
Une nuit, sans le savoir, les quatre font le même rêve. Comme si leur cerveau s’était connecté. Ou comme s’ils avaient un passé extraordinaire commun. Ainsi nait un court-métrage de science-fiction où les cyborgs se battent entre eux, où les quelques « Spéciaux », humains transformés depuis la grande réorganisation, sont décimés et où l’espoir tient sur l’épaule de quatre êtres qui ne se connaissent pas encore.
Mais si ce n’était pas un rêve ?
Récit brillant, exigeant, qui alterne entre présent et futur/passé dystopique, Le royaume détraqué parle d’amitié, d’entraide, de faire face à la dureté du monde, mais aussi et surtout de solidarité et d’espoir. Pour un lectorat avancé.
J’ai connu Thibault Bérard comme éditeur de la collection ‘Xprim chez Sarbacane et j’ai eu plusieurs fois l’occasion de l’entendre en conférence. J’en garde le souvenir d’un homme d’une intelligence vive et d’un grand respect pour le lectorat adolescent. D’un éditeur qui n’avait pas peur de leur offrir des textes complexes, riches, et de les représenter sous toutes leurs facettes.
C’est le premier roman que je lis de lui en tant qu’auteur, premier si je ne m’abuse à destination directe des ados, et je retrouve les mêmes qualités dans ce texte qu’en l’homme que j’ai pu rencontrer et écouter. Le royaume détraqué est un récit exigeant, où on sent parfois poindre le regard adulte dans les commentaires très justes qu’exprime Maxine à propos de ses pairs dans sa narration impliquée (du moins dans la partie « actuelle »), mais où on sent surtout qu’il existe différentes façons de faire sa place, de laisser sa trace, de bâtir sa confiance.
J’ai tout de suite aimé l’alternance entre les chapitres qui se déroulent dans une réalité qui ressemble à la nôtre et sont situés dans un petit village de Provence et les chapitres où on est plongé·es dans un monde futuriste violent où la bataille a une place de choix, ce qui crée un rythme particulier. On est parfois un peu perdu·e, mais peu à peu on gagne des repères et le mystère autour du personnage de Cécilia, le projet commun, le côté surnaturel du rêve partagé fait en sorte qu’on accroche. Mon enthousiasme a par ailleurs explosé quand j’ai compris le pourquoi de cette structure et ses implications. Il y a une grande maitrise dans la construction de ce texte et, si on peut être déstabilisé·es au départ, il faut faire confiance à l’auteur. Il sait exactement ce qu’il fait et il prend plaisir à le faire, ce qui se sent à travers l’ensemble du récit. Bravo !
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