Quand sa grand-mère, la femme la plus importante de sa vie, lui a annoncé qu’elle avait un cancer, quatre ans auparavant, Zoé s’était préparée. Avec son aïeule, elles avaient employé différentes méthodes, plus ou moins atypiques ou éthiques pour être prêtes à se dire « Bye-là » de la façon la plus douce possible. Mais voilà, il y a eu rémission et Zoé a tenu pour acquise la présence de cette grand-mère originale et intense, celle dont elle tient sa folie. Alors quand la mort survient, le choc est grand. Comment le surmonter ?
« Grand-m’man, t’es morte. Dans ton sommeil. Sans nota bene. Sans avis de départ ou d’extinction. Sans confettis. Sans me dire Bye-là. »
Morte Rose est un court récit abordant la thématique du deuil au fil de fragments de texte, tantôt plus concrets, tantôt plus poétiques. Pour un lectorat intermédiaire.
Sarah Lalonde a de ces plumes que je reconnaitrais partout tellement elles sont uniques, tellement elles portent la voix de leur créateur·rice. Ça se ressent ici dans une forme éclatée qui propose une courtepointe de moments à ses lecteur·rices, tantôt dans le présent et la suite d’obligations qui suit la mort, tantôt dans le passé, retraçant des étapes phares de l’histoire entre Zoé et Rose ou encore la légende familiale, la berceuse… petits éclats où la forme d’écriture change constamment, le tout dans une langue inclusive, très actuelle, avec de la microdose, du skate, des ami·es, l’utilisation de mots comme « enfante » et « deuillante », « pleurire », et plusieurs accumulations, comme autant de rafales pour expliquer cet amour si fort qui relie son héroïne à son ainée.
« J’ai hâte que ça passe, tout ce que je ressens
à chaque quart d’heure. »
Le style de Sarah Lalonde se sent aussi dans les thématiques abordées frontalement. En effet, comme souvent dans le reste de son œuvre, l’autrice joue avec les limites dans Morte Rose (déjà, ce titre), explore des zones singulières, creuse des émotions qu’on ne s’avoue parfois même pas à soi-même. Ça crée des éclats de rire à la mention de l’absence de SPCA de petites vieilles où aller vite trouver une remplaçante, au malaise quand il est question des exercices de deuil en passant par la surprise lorsque Zoé pince la peau de sa grand-mère allongée dans le cercueil en espérant la réveiller. Au fil des pages, l’autrice explore la complexité des émotions, l’absurdité de la vie, de certains choix coups de tête aussi (j’ai pleuri à la scène des cendres, vous verrez), en saupoudrant le tout de faits, des connaissances inattendues que partageaient les deux héroïnes (vous connaissiez la vénération des vers de terre en Égypte, vous ?).
Bref, c’est un récit complètement atypique et surprenant, seul dans sa catégorie, le genre de livres intenses qu’on adore ou qu’on déteste, sachez-le !
À noter : un terme connoté et erroné en référence aux Premiers Peuples apparait une fois dans le texte. Certain·es pourraient en être surpris·es.
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