Tout commence dans une salle de bain en flamme alors que sa mère est cul nu sur le sol, inconsciente suite à sa prise de crack, et pourtant... Pourtant Echo est une sorcière, une jeune fille qui deviendra jeune femme noire dans un monde complexe, étriqué pour d’autres, sans perspectives d’avenir pour celles et ceux qui ne se battent pas tous les jours. Rien n’est facile, mais il y a en elle une lumière, une force, qui lui permettent d’avancer. Echo est une sorcière et, étape par étape, elle progressera.
Roman délicat, rédigé et traduit avec le souci de rendre la langue vernaculaire afro-américaine, ce qui peut surprendre, Black girl unlimited flirte avec le fantastique. C’est surtout un récit psychologique qui parle de racisme, de sexisme, de violence sexuelle et d’autodétermination. Pour un lectorat avancé et avisé.
C’est à une expérience de lecture que nous invite Echo Brown avec ce roman fortement autobiographique, très dur, dans lequel la réalité des personnes noires, mais surtout des femmes noires, est décrite sans filtre et pourtant avec des images et des métaphores qui permettent en faire briller les plus beaux côtés.
Le début est percutant, j’ai tout de suite été happée par le destin de cet enfant déjà hors norme, prise dans un univers pauvre, complexe, où les bonnes intentions se heurtent aux habitudes, aux difficultés. J’ai aimé aussi le réalisme magique, la construction de l’intrigue avec chacun des chapitres dédiés à un apprentissage et cette vision des femmes sorcières, femmes puissantes capables de se battre pour leur survie.
« Les sorcières sont censées être indestructibles, mais j'ai des doutes. On nous appelle des battantes parce qu'on survit. On nous appelle des femmes fortes parce qu'on ne s'effondre pas. On nous trouve magiques parce qu'on fait des prodiges avec ce qui nous arrive. « Ouah ! T'as vu ce qu'elle encaisse ! Elle est trop forte ! » Mais pour nous, ça n'a rien d'une victoire. C'est un bain de sang. Que se passe-t-il après, quand on finit par tomber ? »
J’ai toutefois parfois eu du mal avec cette langue (la note de la traductrice à la fin est éclairante à ce sujet et a nuancé ma position plus réfractaire du départ) très parlée, inhabituelle, qui résonne différemment lors des dialogues et qui demande une plus grande concentration. Par moment, l’autrice décuple aussi les scènes, en insérant de nouvelles, passées ou présentes, à l’intérieur du présent raconté, ce qui exige encore une fois un effort pour tout saisir. Ça rend le livre intéressant, mais il faut le savoir : ces choix stylistiques complexifient la lecture alors que la forme requiert toute notre attention, ce que nous ne sommes pas toujours habitué·es à faire.
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