La mère de Gabriel est embauchée pour l’été dans la maison d’une riche famille de bourgeois et l’adolescent s’installe avec elle à demeure. S’il est mal à l’aise à l’idée de côtoyer ces gens d’un autre milieu, sa passion pour l’ornithologie et la promesse de longues excursions dans les landes le convainquent de tenter l’expérience. Toutefois, l’arrivée des petits-enfants des La Guillardière, tous adolescents, bouscule ses plans. Plusieurs sont snobs et l’ignorent totalement, mais l’une d’entre eux capte son attention. L’attirance qui nait en Gabriel est dévorante et bientôt ce n’est plus les oiseaux qu’il regarde avec sa longue-vue, mais les moindres faits et gestes d’Éléonore. Jusqu’où ira-t-il pour se faire aimer?
Roman qui oscille entre psychologie et thriller, Le domaine parle de passion dévorante à l’adolescence, de classe sociale, de différence. Assez lent au départ et complexe dans sa progression, le récit de Jo Witek s’adresse à des lecteurs avancés.
« Elle n’est pas pour toi, Gabriel. Oublie. Cette fille n’est pas à ta portée. C’est une héroïne de roman, une diva, une princesse moderne. D’ailleurs, elle ne te regarde pas. Son indifférence n’est pas une posture, tu t’es trompé. C’est juste qu’elle ne te voit pas et ne te verra jamais. C’est normal. Dans l’ordre des choses. Quelle fille aimerait un mec de seize ans qui passe son temps à regarder les oiseaux ? À lire ? Qui se lève à cinq heures du matin et préfère passer la nuit à écouter coasser les rainettes que de s’agiter sur les dancefloor branchés ? Quelle fille aimerait le fils de la domestique ? Pas elle, en tout cas. Pas Éléonore de La Guillardière. Oublie. Et puis, elle t’a vu à poil, alors, c’est mort. »
Jo Witek et Acte Sud ont frappé fort l’an dernier avec Un hiver en enfer et, si Le domaine est un peu moins percutant, on y retrouve des ingrédients du roman précédent. Il est question de relation malsaine, des pièges dans lesquels on s’embourbe lentement et, avec la riche demeure, il y encore cette idée du huis clos malgré les escapades dans la nature de Gabriel parce que tout le ramène au manoir et à l’étrange famille de La Guillardière. Au fil des pages, on sent Gabriel prisonnier de cet amour intense, dangereux, qui ravage tout et le bouleverse complètement. C’est d’ailleurs peu fréquent de voir un garçon dans cette posture et c’est donc un aspect vraiment intéressant du récit. Toutefois, Jo Witek a voulu s’éloigner des codes habituels des thrillers qualifiés de « page-turner » avec ce roman qui est un peu hors du temps et la conséquence est que la montée dramatique met du temps à se mettre en branle et est très lente, ce qui peut faire décrocher le lecteur et ne rend pas justice à la surprenante fin.
Merci aux éditions Actes Sud pour le roman!
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