L'appel de la forêt

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse

« Buck ne lisait pas les journaux. Sinon, il aurait su qu’une menace planait sur lui, comme sur tous les chiens à la musculature robuste et au pelage dru et chaud. » En 1847, en pleine ruée vers l’or, ce chien élevé et chouchouté sous le ciel de Santa Clara se fait kidnapper, vendre, puis subit la menace et la barbarie des hommes prêts à tout pour quelques dollars.

Une traversée difficile le mènera jusqu’au Grand Nord, traversée pendant laquelle il délaisse inconsciemment son éducation pour répondre à ses instincts lui assurant en bout de ligne survie, mais aussi respect auprès des bêtes, comme des humains. Dans ce périple, il a la chance de rencontrer Thornton, un homme bon, une douceur dans cette vie parsemée de rudesses. Mais malgré cette rencontre, ce cheminement transforme à tout jamais Buck qui sent plus que jamais l’appel de l’ailleurs.

Classique de la littérature américaine, L’appel de la forêt est un roman rude, mais chargé d’espoir. Les thèmes de la nature, de la connaissance de soi, de la lutte pour la survie, du dépassement et, bien sûr, de la liberté rejoindront particulièrement les plus grands.

Mon avis

Écrit en 1908, ce roman, présenté ici en version illustrée, n’a pas pris une ride. Bien sûr, l’écriture empreinte de descriptions et d’envolées lyriques ainsi que le vocabulaire riche tranchent avec les lectures populaires qui trônent sur les tablettes. Mais c’est là tout le charme de ce texte écrit par un auteur phare de la littérature américaine.

C’est d’abord et avant tout l’obsession des hommes pour la réussite – pour l’or – qui chamboule la quiétude de Buck. Sans cette ruée, la vie de ce grand chien aurait été bien différente. Mais voilà, l’homme dans ce qu’il a de plus violent joue du coude pour arriver premier. La bêtise de ce dernier s’oppose ici à la nature de l’animal dans une lutte à finir. Au-delà du courage de Buck, de sa force, au-delà du périple, c’est bien ce qui ébranle dans cet album, cette soif de liberté et la fin d’une alliance qui n’a au fond rien de naturel.

Cette version illustrée – la première à ce jour à l’huile en grand format – paraît 100 ans après la mort de Jack London. Les peintures hyper réalistes de Maurizio A. C. Quarello appuient avec force le propos déjà intense de l’auteur. La richesse des scènes présentées se joue dans le détail accordé. Du minuscule flocon de neige virevoltant à la montagne éloignée, bercée par un rayon de soleil, Quarello manie la perspective et l’objectif avec grâce. Mais s’il excelle dans ces décors, il faut aussi voir l’intensité qu’il pose dans le regard des personnages. Animal comme humain, l’âme de chacun s’exprime d’un seul coup d’œil. Et, bien que l’écriture de l’auteur de Croc Blanc soit enlevante, il faut avouer que ces tableaux rendent la lecture du classique encore plus prenante.