Un vieil homme païen, bientôt arrivé en fin parcours, prend conscience de tous les plaisirs qu’il devra quitter lorsque la mort le prendra. « Il aimait beaucoup sa vie sur terre, et imaginer que la mort emporterait tout lui causait un énorme chagrin […] Cherchant un remède à sa tristesse, il partit pour des terres lointaines et arriva dans une forêt […]. » Il y rencontre trois sages vantant, chacun leur tour, les beautés et les avantages de leur religion respective – notamment la résurrection, qui retient particulièrement l’attention du vieillard – tentant de convertir l’homme en peine. Ainsi, le juif, le chrétien et le musulman exposent les différences entre leur spiritualité, mais au moment où le vieil homme est sur le point de leur dire laquelle il a choisie, les sages quittent les lieux, le laissant seul avec sa réponse.
Le lecteur ne connaitra pas plus l’issue de cet échange qui n’est en réalité qu’un prétexte à servir le dialogue entre les trois sages. Ces derniers constateront d’ailleurs la richesse de leur rencontre et décideront de refaire l’exercice tous les jours « afin que cette discussion puisse les mener à « avoir tous les trois une seule et même foi. »
Les thèmes de la religion, de la remise en question d’une seule et même vérité et de l’ouverture à l’Autre sous-tendent le discours de cet ouvrage. Les adolescents seront invités ici à réfléchir au sens accordé à la religion qui reste la cause principale des guerres.
Ce texte écrit au XIIIe siècle par Ramon Llull, un philosophe, mystique et visionnaire espagnol, est étonnant d’actualité. Adapté par Ignasi Moreta quelque 700 ans plus tard dans une langue franche et claire – il faut savoir que cette histoire a alors été écrite en catalan – ce texte remet en question la conception d’une religion unique et véritable en appelant de la solidarité et de la communion entre les différents croyants. Sachant que ce mystique était chrétien, il est d’autant plus fascinant de constater l’ouverture qu’il déploie dans sa finale. L’idée de dialoguer, d’écouter l’Autre et d’en arriver à une entente relève d’une vision utopique, mais absolument remplie d’espérance.
Ce texte lumineux est accompagné des illustrations de la barcelonaise Àfrica Fanlo. Elle offre un trait à la fois naïf, très coloré et sans perspectives franches. Appuyant l’idée d’une uniformisation de la foi, les personnages ne sont affublés d’aucun signe religieux. L’illustration finale nous les présente d’ailleurs unis sur une même page, transformés en oiseaux. Un signe de liberté possible. Voilà un album d’une rare finesse qui invite à l’ouverture.
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