Vendredi 13 novembre 2015, Benjamin est assis à une terrasse avec son frère quand a lieu l’attaque terroriste. Pendant que Pierre est tué, son frère croise le regard d’un des hommes, resté dans la voiture. Complètement désorienté, incapable d’appeler ses parents ou sa copine alors qu’il vient de sortir de l’hôpital, B. croise de nouveau les yeux de cet homme dans le métro. Et il décide de suivre « l’Arabe » pour se venger.
Vincent Villeminot parle des attentats de Paris et de leurs survivants dans ce roman coup de poing qui s’adresse à des lecteurs matures et avisés puisqu’il contient des scènes particulièrement crues.
Les auteurs ont été nombreux cet automne à parler des attentats, que ce soit pour les adultes ou en jeunesse, poussés par l’urgence de mettre des mots, d’essayer de comprendre, de faire réfléchir à l’après. Vincent Villeminot entraine son lecteur dans l’absurdité, dans l’incompréhension, dans l’hébétude avec son roman, qui se situe dans une zone floue où les gris se mélangent, ou le bien et le mal sont des notions abstraites. Les réactions ont d’ailleurs été fortes et polarisées quand est sorti ce 14 novembre qui ne laisse personne indifférent. « Provoquant » ont dit de nombreuses critiques, « intelligent », ont opposés d’autres lecteurs.
Benjamin n’est plus que B. quand il se met à suivre celui qu’il nomme « l’Arabe ». Comme si sa part d’humanité lui avait été enlevée. Et c’est perturbant pour le lecteur qui le voit devenir bourreau, repousser les limites, sombrer dans une vengeance qui, même pour lui, n’a finalement pas de sens. Dans les mots qu’utilisent Villeminot pour décrire ces moments, y a un détachement qui rappelle le style de Camus, mais aussi une émotion sous-jacente très forte. Et en face de B., ce n’est pas le terroriste qui prend toute la place, mais Layla, sa sœur, chez qui il s’est réfugié, et qui se retrouve malgré elle au cœur de la vengeance de B. Une femme avec un sang-froid remarquable et une répartie qui permettent de faire avancer la réflexion, tant celle de B. que cette du lecteur. C’est finalement elle qui marque encore plus parce qu’elle ouvre la porte à autre chose que la violence.
Seule la fin déçoit un peu. On aime l’utilisation du futur, de la possibilité, comme si l’auteur offrait à ses personnages, et à ceux qui le lise, la chance de choisir la lumière, mais la relation qui se noue entre Layla et Benjamin est trop utopique pour être crédible, trop facile après toute cette violence, particulièrement celle qui a eu lieu dans l’appartement.
Le petit plus? Vincent Villeminot entrecoupe son récit d’entractes, ces derniers s’attardant à la réalité de multiples personnages qui ont croisé le chemin de Benjamin. Ils apportent à la fois un répit dans la tension du récit, et des points de vue différents sur les évènements.
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