Rage

Rage, c’est le surnom que lui a donné sa nouvelle amie quand elle est arrivée en France. Incapable de prononcer le prénom qu’elle a reçu à la naissance tant celui-ci est lié aux horreurs qu’elle a vécues dans son pays d’origine, Rage trouve que son surnom va bien avec la colère qu’elle ressent. Et la peur, tout le temps, surtout celle des hommes. Un soir, alors qu’elle fuit une fête, Rage tombe nez à nez avec un chien. Une bête énorme, dangereuse, mais une bête qui fuit elle aussi une souffrance indicible. Qui est traquée. Décidée à sauver ce chien dans lequel elle se reconnait, Rage devra faire confiance aux autres pour l’aider…

Avec ce bref roman d’un peu plus de cent pages, Orianne Charpentier parle des cicatrices profondes que laissent les horreurs de la guerre, des mariages forcés. Ancrant son récit en France, entrecroisant l’histoire de Rage avec celle d’une bête traquée, elle éveille les consciences. Pour lecteurs avisés.

Mon avis

C’est une histoire qui se lit en un souffle, brève et percutante malgré que le tout soit imprégné d’une certaine lenteur parce qu’on est dans la psychologie plus que dans l’action. S’il ne se passe que vingt-quatre heures dans ce récit, c’est toute une palette d’émotions qu’a le temps de vivre Rage et, à ses côtés, le lecteur découvre une réalité qui est proche tout en étant lointaine. En effet, avec cette héroïne qui a survécu à l’horreur et ne peut plus croire qu’il peut y avoir mieux, Orianne Charpentier parle de réfugiés, de l’importance de l’accueil et de la compréhension, de l’ouverture. Et c’est toujours ce présent sur lequel reste la lumière puisqu’elle garde un voile sur le passé de Rage. On peut deviner certaines choses, mais le but de l’auteure n’est pas de montrer la souffrance, plutôt les immenses cicatrices qui restent, qui ne permettent pas à la jeune femme de s’intégrer, de faire confiance.

«Une pensée étrange lui vient : ce qui sépare le plus deux êtres humains, ce n'est pas l'âge, la langue, la fortune ou la culture. Ce qui les sépare le plus, c'est la souffrance qu'ils n'ont pas partagée.»

Avec cette histoire où le destin de Rage et celui du chien maltraité qu’elle décide de sauver coute que coute se mélangent, Orianne Charpentier touche encore une fois à l’universel. De plus, elle reste fidèle à sa plume, riche, cette histoire étant parsemée de références à Antigone, accessible à tous, mais recelant des trésors pour ceux qui ont une culture plus vaste. C’est un roman qui n’est pas nécessairement facile, la dureté de l’héroïne pouvant, surtout au départ, donner l’impression qu’elle est froide, mais c’est une histoire qui reste.

Merci aux éditions Gallimard pour le roman et à Pierre-Alexandre Bonin pour la révision du billet!