Ingrid était déjà très réticente à ce trek, ces vingt-et-un jours de contact total avec la nature. Mais ça, c’était avant qu’elle découvre que sa mère a prévu autre chose et qu’il n’y a pas de camp de base avec cabanes en rondins et toilettes sèches. Non, plutôt vingt-et-un jours de marche avec des milliers de moustiques à ses trousses, l’obligation de porter les provisions et la tente qu’elle doit monter chaque soir ainsi que de nouvelles épreuves tous les jours, censées permettre aux « jeunes à risques » qui l’accompagnent de se découvrir eux-mêmes. Alors elle lui écrit des lettres. Incisives, sarcastiques, colériques. Des lettres pour lui raconter ce qui se produit, mais aussi pour se souvenir de ce qui l’a amenée jusque-là. Et pour comprendre…
Roman initiatique qui alterne entre le récit (délirant) du trekking extrême et celui du passé d’Ingrid, Toute la beauté du monde n’a pas disparu aborde les thèmes de la famille, des rêves brisés, de l’art, de l’amour et de la résilience. Complexe, il s’adresse à des lecteurs avancés et avisés, certaines scènes étant particulièrement crues.
Je n’étais pas convaincue par la couverture. Même le titre, intrigant, n’était pas parvenu à me donner envie de lire. Il a fallu que quelqu’un (merci, Chloé) me le suggère très fortement pour que je m’y mette… et que j’y passe mon dimanche. Parce qu’une fois commencé, ce bouquin se dépose très mal. Non pas qu’il y ait un suspens terrible, une tension trop forte, non, mais parce que Danielle Younge-Ullman parvient à nous immerger complètement dans le récit d’Ingrid et que l’alternance entre son séjour à Peak Wilderness et les souvenirs de sa vie est d’une efficacité redoutable. Au départ, l’adolescente est complètement refermée sur elle-même, mais au fil des jours, et des épreuves (ce camp, quelle horreur), elle ose affronter ses démons. On fait ainsi la connaissance de sa mère, Sophia-Margot Lalonde, ancienne cantatrice adulée qui a tout perdu lorsque sa voix a déraillé, et l’auteure aborde avec elle la dépression, les conséquences d’un rêve brisé, le rejet de tout ce qui la ramène aux arts même si sa fille, Ingrid, démontre un talent extraordinaire. On comprend comment cette relation (malsaine sur plusieurs plans) a évolué et ça fait réfléchir le lecteur (qu’il soit ado ou parent, d’ailleurs!).
Autour d’Ingrid, les personnages secondaires sont aussi intéressants et cette séance de thérapie de groupe permet au lecteur de découvrir les nuances de plusieurs réalités et de voir chacun évoluer. Il y a beaucoup d’émotions, mais aussi un humour certain, passant entre autres par l’ironie et les situations improbables dans lesquelles Ingrid se retrouve, ce qui fait qu’on rit souvent au fil de ce roman marquant.
C’est le livre parfait à amener un long weekend au chalet (ou dans tout autre endroit près de la nature et où on peut être tranquille) et à lire d’un bout à l’autre dans un souffle… ou presque. Et préparez vos mouchoirs parce que la finale, du genre tremblement de terre, est particulièrement touchante.
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En effet, quel roman! J'ai également bien aimé les personnages de Pat et Bonnie, les deux responsables du groupe du camp. Alors que tout enfant est exaspéré par les mille et uns conseils de ses parents, les campeurs, eux, sont exaspérés par le silence de leurs guides. D'ailleurs, le vernis d'Ingrid ne résistera pas à cette méthode...