Jeb a presque douze ans, ce qui veut dire qu’il est prêt à entrer dans le Programme : à recevoir l’injection qui lui permettra de ne plus ressentir les émotions, ces indésirables qui ont mené le monde à sa perte, comme le montrent tous les livres d’Histoire. Mais pour être accepté dans la communauté, Jeb doit passer les tests. Et le garçon sait bien qu’il est trop sensible, incapable de prendre le dessus sur ses sens, sur sa curiosité…
Obligée d’intégrer un lycée chic parce que ses parents souhaitent qu’elle ait la meilleure éducation possible (et n’hésite pas à lui mettre toute la pression du monde sur les épaules), Aude se retrouve isolée de ses copines. Rejetée, ridiculisée, elle ne trouve de réconfort qu’en Mathieu, un surveillant. Rapidement, Aude découvre toute l’intensité des sentiments amoureux. Mais aussi leur douleur…
Les émotions sont au cœur de ce récit coup de poing d’Antoine Dole. Rythmé par les changements de narration et d’univers, bref, Naissance des cœurs de pierre est accessible, mais vise les lecteurs avisés étant donné certaines scènes très difficiles.
Comme avec Je reviens de mourir, Antoine Dole a construit soigneusement cette intrigue à deux voix dont la finale laisse justement sans mots. Mises bout à bout, les scènes forment une progression qui va en crescendo, les deux personnages principaux se heurtant à l’absence d’amour, celui de Mathieu pour Aude, celui de Niline, sa mère, dans le cas de Jeb. Jouant avec les codes des récits d’anticipation avec ce dernier et ancrant son histoire dans le réel avec Aude, il tisse une toile où les lecteurs se retrouvent rapidement prisonnier, incapable de fermer le livre malgré certains passages très durs.
En effet, Antoine Dole a un talent fou pour décrire la souffrance. Il sait trouver des phrases pour appuyer là où ça fait mal, mettre en lumière toute la cruauté de certaines personnes, notamment celles qui se retrouvent en situation de pouvoir. Et il l’utilise à foison dans ce roman sombre qui, s’il donne une féroce envie de crier ses émotions à tout vent, ébranle tout de même solidement, jusqu’à une finale qui coupe le souffle, à la fois inattendue et terriblement bien trouvée. On voudrait tout de suite recommencer la lecture pour repérer tous les indices qui auraient pu la laisser présager. Un excellent roman, difficile, percutant, réussi.
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