Petula a déjà été une jeune adolescente passionnée d’artisanat, heureuse, toujours occupée à trouver de nouveaux projets avec Rachel, sa meilleure amie, pétillante. Et puis il y a eu le drame et elle s’est réfugiée dans son rôle de fille parfaite, capable de tenir le fort à la maison, de recoller les pots cassés et, désormais seule enfant de ses parents, prise avec la terrible responsabilité de survivre, ce qui inclut prévoir toutes les catastrophes possibles et les éviter à tout prix. À l’arrivée de l’Homme bionique, Jacob de son véritable nom, adolescent mystérieux qui intègre le groupe d’art thérapie et chamboule sa vie, elle semble avoir perdu tout ce qu’elle était auparavant. Mais à son contact, elle a envie de croire qu’elle peut de nouveau être heureuse. Seulement, c’est bien connu, les optimistes meurent en premier. Et si elle baisse sa garde, elle pourrait bien ne pas y survivre.
Avec son doigté et sa finesse habituelle, Susin Nielsen parle de deuil, de famille et de responsabilités dans ce roman où se croise une foule de personnages hétéroclites. Bien que rythmé et rendu vivant par de nombreux dialogues, le récit est assez complexe et rejoindra les lecteurs intermédiaires et avancés.
Ce qui m’impressionne le plus (parmi un nombre incalculable d’éléments) chez Susin Nielsen, c’est sa capacité à créer des personnages extraordinaires, tous terriblement colorés et vivants même s’ils sont faits de papier, tous à la fois typés et nuancés. Cette fois, outre une Pétula géniale avec sa manie de prévoir le pire en toute circonstance (c’est drôle de le lire, mais dans la réalité, ça doit être un enfer), il y a la mère dépressive qui se soigne avec les chats (et sa passion pour la littérature jeunesse), l’homme bionique, l’adolescente grecque alcoolique, le rebelle aux cheveux gras, le gai extraverti fasciné par le mime, entre autres. Une galerie de personnages qui, hors contexte, semblent complètement loufoques, mais qui s’inscrivent vraiment bien dans ce récit d’une grande sensibilité.
On a l’impression qu’on va lire un livre abordant simplement la réalité d’une adolescente aux prises avec de nombreux tocs liés à la sécurité, mais on se retrouve en fait avec un récit sur le deuil difficile d’une sœur, d’une enfant, sur la pression que peuvent se mettre certains adolescents et sur le regard qu’on porte sur les autres et qui peut changer selon ce qu’on découvre d’eux. En cela, le personnage de Jacob est particulièrement réussi, un des plus beaux de l’univers de Nielsen. Sans vouloir trop en dévoiler, disons que le jeune homme a un squelette dans le placard et qu’il est intéressant de voir comment les autres réagissent lors de l’annonce de la vérité, mais aussi comment elle vient ébranler notre propre regard de lecteur. Encore une fois, Susin Nielsen tape dans le mille avec un récit terriblement juste. Le seul drame maintenant? Devoir encore attendre avant de découvrir son prochain bijou.
À noter, le livre est publié aux éditions de la Courte échelle au Québec (version lue ici) et chez Hélium en France, avec deux traductions différentes (chapeau à Rachel Martinez qui a su rendre l’humour bien particulier de Susin Nielsen et sa musicalité) et, donc, deux couvertures distinctes aussi.
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