Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant
Attention, ce livre est la suite de Calpurnia. Il peut se lire indépendamment, mais vous aurez plus de plaisir si vous commencez par le premier!
À l'aube du XXe siècle, quoi faire quand on est une jeune fille qui rêve de devenir scientifique et que tout ce que l'on nous demande est de devenir une bonne ménagère? Après un an à apprivoiser le monde qui l'entoure avec son grand-père (voir le premier livre), en étudiant de la plus petite bestiole jusqu'aux lointaines étoiles, Calpurnia Tate se permet désormais de rêver à plus de liberté. Elle affirme même haut et fort souhaiter aller à l'université, au grand dam de ses parents! À travers une routine qui l'oppresse de plus en plus, elle tente donc de s'émanciper en continuant d'étudier la nature avec son bien-aimé mentor et en veillant sur les animaux que son petit frère Travis ne cesse de rapporter à la maison.
Un matin de septembre, certaines observations de l'adolescente viennent troubler le quotidien. Un oiseau marin en plein centre du Texas; une pression atmosphérique en pleine chute… Voilà deux signes sans équivoque de l'imminence d'une grave tempête! Mais qui pourrait bien croire une jeune marginale de 12 ans? À la surprise de tous (ou presque!), un ouragan ravagera pourtant la côte. Cette tragédie amènera la hautaine et mystérieuse cousine de Calpurnia, Aggie, à s'installer chez elle, dans sa chambre. Un sympathique vétérinaire viendra lui aussi vivre dans le village, le Dr Pritzker. Qui sait ce que ces deux nouveaux venus pourront apporter à Calpurnia dans sa quête de liberté?
Avec Calpurnia et Travis, Jacqueline Kelly reprend le récit de la vie de Calpurnia là où elle l'a laissé avec la fin de son premier livre, récipiendaire du prix Sorcières 2014. Néanmoins, elle répète les informations nécessaires à la compréhension de ceux qui en seraient à leur premier contact avec ses romans, de sorte qu’il est possible de commencer la série par celui-ci. Ce roman aborde encore l'émancipation par la science, la place des femmes, ainsi que la vie quotidienne du Sud des Etats-Unis d'il y a plus d'un siècle. Ce deuxième tome, aussi costaud que le premier, s'adresse aux lecteurs intermédiaires.
Je le dis d'emblée, le premier Calpurnia est l'un de mes romans préférés. La façon de Jacqueline Kelly de présenter la noble lutte féministe de l'héroïne, qui utilise la science et la curiosité pour gagner sa liberté, m'avait séduit au plus haut point. Le lecteur retrouve dans ce livre-ci la même passion pour la nature, la même fougue chez Calpurnia, les mêmes sentiments d'injustice, la même beauté dans la relation avec son grand-père (qui me fait encore beaucoup fait penser à Dumbledore : un vieux maitre aussi excentrique que tendre, sur qui l'on peut compter, mais qui laisse bien souvent sa protégée se débrouiller elle-même). L'adolescente surprend encore par la perspicacité de ses questions sur ce qui nous entoure. Et ce qui se démarque de ce nouveau volet, permettant de mieux saisir le quotidien de la famille Tate, c'est le développement plus défini des protagonistes secondaires : le petit frère Travis, si gentil et naïf, que tous adorent; le grand frère Lamar, plus détestable et macho que jamais; le Dr Pritzker, influencé par les valeurs de l'époque, mais qui se remet tranquillement en question en voyant évoluer Calpurnia (pour ne nommer que ceux-là!).
L'histoire prend toutefois un peu de temps à décoller. Après une fin de premier livre bien prometteuse, l'héroïne s'ennuie maintenant, ce qui captive moins le lecteur. Calpurnia accumule des déceptions et se sent encore plus opprimée! En fait, une grande partie du début de cette suite tourne autour de brèves histoires où Travis rapporte toujours un animal différent à la maison. Même si cette trame devient un peu répétitive, le lecteur appréciera le développement de l'amitié entre le frère et la sœur autour de leur passion commune pour les animaux, mais aussi les différences qui animent cette dernière : la découverte scientifique pour l'une, la tendresse envers les animaux pour l'autre. Cette opposition dans leurs idées est parfois rigolote, par exemple quand Calpurnia pense à disséquer un animal mort alors que Travis pense à le pleurer et l'enterrer.
Plus le récit progresse, plus Calpurnia s'affirme dans sa différence et prend les moyens pour s'épanouir. Elle se réinvente dans les difficultés, elle continue de grandir en beauté à travers ses succès et ses erreurs, et elle inspire le lecteur par son acharnement contre les injustices. Au final, même si j'ai légèrement préféré le premier tome, je peux dire que celui-ci est encore une merveilleuse réussite de beauté humaine et d'intelligence! Et je reste encore surpris de comment chaque chapitre fait écho à l'épigraphe qui le précède, pourtant tiré d'un livre de Darwin écrit il y a près de 150 ans. Un dernier petit plus? Quelques illustrations scientifiques et techniques accompagnent le texte (Sophielit a été entendue)!
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