C’est après avoir découvert une citation de Marguerite Duras, « Écrire, c’est hurler sans bruit », que Fanny Cloutier, 14 ans, a décidé de faire un journal intime, en dessinant par moment puisque c’est ce qu’elle sait de mieux faire. Forcée à l’exil chez sa tante Lorette de Ste-Lorette et son fils Henri parce que son père est invité par des Japonais à passer quelques mois au pays du soleil levant pour développer une de ses (nombreuses) inventions inutiles, Fanny perd ses repères. Il y a cette famille dont elle n’a jamais entendu parler, d’abord. Puis l’école, où elle arrive à se mettre une enseignante à dos dès le premier cours et est forcée de manger toute seule dans les toilettes le midi. Et puis il y a ces indices, comme autant de petites pierres blanches, qui la mènent vers le souvenir de sa mère, décédée en voilier des années auparavant. Et si son père ne lui avait pas tout dit?
Prenant la forme d’un journal intime qui marie texte et illustrations, ce récit entraine les lecteurs à la rencontre de Fanny alors qu’elle vit des moments pour le moins… intenses! Abordant les thèmes de la famille, du deuil, de l’amitié et de l’amour, Stéphanie Lapointe peut rejoindre tous les lecteurs.
Fanny Cloutier, c’est d’abord un bel objet : un journal intime, oui, l’héroïne est une artiste qui s’exprime autant avec les dessins qu’avec les mots et Les malins ont décidé de prendre les moyens pour le montrer. On est loin des gribouillis du Journal d’un dégonflé. Ici, c’est Marianne Ferrer qui signe les illustrations et elles sont magnifiques. En fait, on feuillèterait le livre juste pour elles. Il y a aussi un soin apporté aux pages, des jeux de transparence, des brillants, une couverture embossée, des couleurs qui changent selon la personne qui parle, bref, le visuel est particulièrement attirant.
Puis vient le texte de Stéphanie Lapointe.
« Je lui ai dit que je préférerais me taper tout le trajet à pied (j’ai même dit en gougounes, si mon souvenir est bon) plutôt que d’avoir à supporter deux heures de plus son aura pleine de culpabilité et la surdose de bonheur égocentrique qui l’habite depuis le jour où il a décidé qu’il foutait notre vie en l’air. »
On sentait déjà tout le potentiel dans Victoria, mais là on est un niveau plus loin. Son récit est à la fois drôle, Fanny Cloutier a un solide sens de la répartie, et touchant. Son héroïne est à la fois forte et fragile. Son écriture à la fois mature et jamais adulte. Et puis il y a de petites perles qui se glissent au fil des pages…
« Quand ça ne va pas, je me réfugie dans le premier placard que je vois. C’est le moyen le plus efficace que j’ai trouvé pour disparaître, pour me fabriquer un abri nucléaire à la hauteur de mes émotions. »
Le petit plus? On croit tout à fait au personnage d’ado (qui pourrait tomber un peu sur les nerfs au départ, mais qui est très chouette à voir évoluer) et on s’y attache rapidement!
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