42 jours

Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

Attention, ce livre est offert en version « normale » et en version « dys ». 

Quelle drôle d'idée que de partir en vacances début juin, un mois avant la fin des classes! Les parents de Sacha viennent de lui annoncer que lui et son petit frère, Jacob, quitteront Paris seuls pour partir chez leur oncle en Bretagne, au bord de la mer. Cela ne tombe pas mal, car, depuis quelque temps, les voisins et certains amis du garçon de 12 ans sont de plus en plus méchants envers lui, sans raison apparente. Pourquoi l'appellent-ils le rat? Même sa meilleure amie Valentine l'ignore!

Sacha doit toutefois bien vite se faire à la réalité : il n'est pas parti pour un camp de vacances, mais bien dans un asile avec sept pensionnaires se prenant pour Louis XIV, Victor Hugo, Napoléon (deux hommes!), Néfertiti, une tasse de thé et un félin. Assez spécial merci! Heureusement, le petit Jacob, sur qui il doit veiller, ne sera pas son seul compagnon puisque Éléanore et Léandre, les enfants d'un couple d'employés du manoir, l'assisteront dans ses 400 coups. Et ce ne sont pas les occasions qui manqueront! La demeure renferme mille et un mystères que tous semblent vouloir cacher aux enfants. En les découvrant, Sacha verra sa vie bouleversée pour toujours…

42 jours en un roman qui comporte deux parties bien différentes. Dans la première, le lecteur y retrouve l'insouciance de l'enfance, ses jeux, sa vivacité, ses bêtises. Dans la seconde, les choses se corsent. La légèreté disparait pour laisser place à cette dure réalité française de 1942 que le lecteur découvre en même temps que Sacha. Durant cette période, la France est contrôlée par l'Allemagne nazie et collabore avec cette dernière aux rafles des juifs, des tsiganes et des handicapés mentaux… tous des gens hébergés dans le manoir de son oncle, et dont lui-même fait partie! Ce livre, réaliste et historique, s'adresse aux lecteurs débutant de 10 ans et plus.

Mon avis

C'est un roman particulier que ce 42 jours. Tout au long de la première partie, qui n'est pas clairement définie dans le livre, on sent qu'il y a anguille sous roche. Il y a l'arrivée précoce des vacances, les changements d'attitude envers la famille, l'interdiction de sortir du manoir, les loups qui rôdent et une pièce secrète formellement interdite d'où Sacha entend d'étranges bruits et mots – pour ne nommer que ces mystères. Tout cela est assez bien écrit pour le public cible, avec une langue aux accents infantiles, mais reste somme toute dans le déjà vu. Alors que l'intrigue ne semble se concentrer que sur le prodigieux don de Sacha à faire des bêtises, frustré entre l'enfance et l'adolescence, le lecteur, lui, attend la surprise. C'est à mi-chemin qu'elle arrive, quand l'inspecteur en herbe Sacha découvre l'incroyable vérité que ses parents tenaient tant à lui cacher : lui et sa famille, juifs de sang, courent un grave danger dans cette France chaque jour davantage collaboratrice. La fuite insensée vers le sud du pays qui démarre alors, pour tous les pensionnaires du manoir, leur fera frôler la catastrophe plusieurs fois.

Si Sacha est constamment frustré de voir son audace transformée en bêtises, il en va de même pour les adultes qui l'entourent et, je dois l'admettre, pour l'adulte lecteur que je suis. Sur le coup, j'ai trouvé le personnage égocentrique et énervant. Parfois pour un simple caprice, il risque la vie de tout son entourage. Lui qui cherche tant la confiance des adultes, peut-il enfin prouver que sa témérité peut être utile à autre chose qu'à créer de folles péripéties! Puis, après avoir terminé le livre, je me suis dit que Sacha était peut-être en fait plutôt réaliste dans ses erreurs. Évoluant sans trop comprendre les tenants et aboutissants de sa fuite, il ne cherche, après tout, qu'à faire sa place dans son milieu.

Somme toute, le livre offre une belle réflexion sur le passage de l'insouciance de l'enfance à celui des responsabilités de l'adolescence. Sacha souhaite entrer dans un monde complexe et parfois déchirant, mais ce saut se retrouve grandement précipité par les évènements. Par ailleurs, l'intégration des handicapés mentaux et d'éléments historiques surprenants concernant la France seront appréciés par le lecteur. Terminons en précisant que la fin du roman, à elle seule, apporte une autre surprise de taille qui éclairera toute l'intrigue!