Leningrad 1941. Pour protéger les enfants du siège allemand qui s’annonce, les autorités les envoient vers l’Est en train. Victor et Nadia, jumeaux de presque 13 ans, quittent leurs parents avec difficulté, se consolant en se disant qu’ils seront au moins ensemble. Mais les choses ne se passent pas comme prévu et chacun doit embarquer dans un train différent. Alors que celui de Viktor prend la direction du nord et d’un camp de travail, Nadia est immobilisée en rase campagne. Consignant leur aventure dans des carnets, les jumeaux racontent leur réalité, alors que Nadia apprend à survivre et que Viktor entreprend un long trajet parsemé d’embuches à travers la Russie en guerre pour retrouver sa sœur.
Ce roman est donc en fait le rapport du colonel Smirnov des carnets tenus par les jumeaux durant leur périple et annotés par un enquêteur du parti communiste russe. Parlant de la Deuxième Guerre mondiale en Russie, mais aussi de courage, de résilience et de détermination, il s’adresse aux grands lecteurs.
C’est le deuxième livre de Davide Morosinotto que je lis, et il ne fait que confirmer mon impression suite au premier (Le célèbre catalogue Walker & Dawn) : cet auteur italien est à suivre parce qu’il concocte de véritables pépites. En fait, il captive le lecteur tout en l’instruisant parce qu’il est doué à la fois dans la reconstruction historique (le souci des détails est fascinant encore une fois dans ce récit qui nous plonge dans l’hiver russe), dans la création de personnages attachants (les jumeaux en tête), et dans l’art de structurer ses histoires.
L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges se distingue par son originalité. D’abord parce que le roman aborde un aspect plus rare de la Deuxième Guerre mondiale, soit la réalité des habitants de Leningrad quand la ville a été assiégée par les troupes d’Hitler et celle des enfants au cœur du conflit, puis grâce à la forme particulière du récit. En effet, c’est un véritable objet-livre qui nous est présenté, avec les six carnets dans lesquels les passages en rouge et en bleu permettent de distinguer le narrateur, les nombreuses photos qui viennent illustrer le propos, les ajouts de l’enquêteur russe qui relève les moindres infractions au régime en place, le tout dans une iconographie russe qui amplifie le sentiment d’immersion.
C’est par ailleurs un récit nuancé qui, outre l’évolution des enfants (l’horreur fait murir rapidement et Viktor et Nadia auront leur lot d’épreuves), dépeint la réalité du peuple dans un état dictatorial aux chaines de pouvoirs gangrenées. Sans opter pour un camp et démoniser l’autre (l’arrivée d’un soldat allemand au milieu du récit apporte justement un équilibre vraiment intéressant), Davide Morosinotto choisit plutôt de montrer les hommes derrière l’Histoire, les décisions de chacun qui peuvent avoir un impact important sur la réalité des autres.
La forme du journal permet une plongée dans les pensées des personnages, on découvre leurs doutes, leurs peurs, mais aussi leurs motivations profondes. Viktor est moins lucide que sa sœur face au régime en place, mais n’hésite pas à enfreindre les lois pour retrouver cette dernière. C’est lui qui est en mouvement alors que Nadia est plus statique, mais leur double regard permet au lecteur de découvrir l’hiver russe, la faim, les barakis, l'avancée de l'ennemi, les bombes, les kolkhozes, le goulag… alors que les commentaires du colonel Smirnov, dans les marges, montrent toute l’emprise, toute l’idéologie du communisme. En un mot, ce livre est fascinant.
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