« Moi, Thomas F., professeur par votre soutien et la confiance que cette prestigieuse université a bien voulu m'accorder, malgré mon jeune âge; moi qu'à vingt-trois ans vous avez déjà distingué, honoré, reconnu, coopté, compté parmi vous, plus précocement que cette université ne l'avait fait pour n'importe qui à mon âge, je suis pourtant au regret de faire sécession par ces lignes, de déclarer une guerre entre vous et nous, ou plutôt une dissidence, une séparation de corps.
Et je crache dans la soupe, comme disent mes amis français. »
2022. Un universitaire anglais écrit le manisfeste Don’t count on us. Alors que la révolution couve déjà, que la grogne est de plus en plus grande, la jeunesse entend l’appel et décide de faire sécession : de refuser la société imposée pour en reconstruire une nouvelle dans les bois, à partir de rien. De créer des « villages » sans chef, dans lesquels le troc règne. Ne plus acheter, ne plus consommer, revenir aux bases. Mais la rébellion n’est pas acceptée et la police profite des moindres accrocs pour faire des descentes, la société s’organise pour créer des cités containers dans lesquelles la jeunesse – et ses idéaux – sera contenue, surveillée.
Trente-six ans plus tard, seule une poignée d’entre eux reste encore dans la forêt. Et ce matin-là, Montana, Dan et Judith, des adolescents, une enfant, sont occupés à pêcher tranquillement à la rivière. Jusqu’à ce que les loups arrivent…
« La nature nous enseigne le respect, la patience, l'endurance et la douceur...
Mais c'est faux. Ces hommes mauvais connaissent parfaitement la nature, eux aussi, malgré leur violence. Ils la connaissent dans sa cruauté comme dans sa prodigalité. Ils s'en inspirent. »
Ce roman humaniste construit comme un puzzle est d’une complexité à la hauteur de son résumé. Vincent Villeminot offre une aventure enlevante, certes, mais fait surtout réfléchir à travers ce récit qui alterne entre politique et émotions. Pour grands lecteurs.
Comment lire ce roman foisonnant de Vincent Villeminot? J’ai un seul conseil : tendez la main et laissez-vous guider sans chercher votre chemin. Ne posez pas de questions, ne réfléchissez pas trop (au départ), plongez simplement. Et le voyage en sera d’autant plus marquant.
Il faut dire que Nous sommes l’étincelle est un tour de force. Ce n’est pas la première fois que je suis en admiration devant l’oeuvre de cet auteur, mais cette fois il semble se surpasser. Il y a tout dans ce roman : à la fois la critique sociale, le futur sombre qu’on se promet si on reste engoncés dans nos façons de faire, la révolte de la jeunesse, l’espoir, la politique, des personnages cabossés, de la déficience (et de la bienveillance), l’esprit de meute, la famille, le suspens, le tout dans trois histoires qui peuvent sembler séparées au départ et qui dévoilent leurs liens peu à peu. Voilà pour l’histoire. Mais ce qui est mieux encore, c’est que celle-ci est portée par une écriture complètement maitrisée, qui s’offre en fragments qui peuvent être déroutants au départ (mais TOUT est pensé, sachez-le), eux-mêmes entrecoupés d’extraits du manifeste tellement bien intégrés que l’ensemble a l’air réel. Vincent Villeminot est parfois brusque, parfois poétique, mais toujours en mettant l’émotion au centre. Bref, c’est une expérience littéraire foisonnante et fascinante qui peut rappeler certaines dystopies, même si c’est plutôt à l’utopie (et à son « après ») que l’auteur français s’intéresse. Quel livre!
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