« Et vous le savez, les exemples sont nombreux dans l'histoire : ce que l'homme ne comprend pas, souvent il le détruit. »
Tout commence dans les vestiaires, quand une des filles de la classe de Louise refuse de retirer sa serviette pour le cours de natation. Parce que son corps est recouvert de poils, comme un animal. Puis le phénomène se répand et de plus en plus d’adolescentes découvrent un fin duvet, plus ou moins apparent, sur leur corps. Et la peur grandit aussi alors que tout un pan de la population s’élève contre ceux qu’on a baptisé les Félines et qui ne peuvent qu’être des bêtes aux mains du diable. Preuve en est les attaques féroces qu’elles commettent, comme si elles n’étaient plus humaines, mais animales. Et quand la Ligue de la Lumière atteint le pouvoir, le sort réservé aux Félines n’est qu’horreur…
Avec ce roman d’anticipation qui révèle la part la plus animale de l’humanité (et pas nécessairement chez celles qui se transforment), Stéphane Servant signe un texte dense et troublant qui vise les lecteurs intermédiaires et avancés.
Comme avec Sirius, son précédent opus, Stéphane Servant projette son lecteur dans un monde inventé pour mieux mettre la lumière sur la réalité de ses lecteurs : les réflexes humains de peur et de repli sur soi-même, la manipulation des masses, les mécanismes d’oppression des minorités, mais aussi les conditions nécessaires à l’émergence d’un mouvement subversif. l’importance de la famille, de la solidarité, du féminisme, de la tolérance dans un monde en changement. Comme s’il nous donnait des clés pour faire face à ce qui arrivera (ou est en train d’arriver).
Sa volonté d’ancrer ce récit imaginaire dans la réalité est d’ailleurs présente dès le départ.
« Cette histoire est vraie » dit-il d’office.
« Je veux remercier mon éditeur pour son courage.
Le seul fait de publier cet ouvrage constitue une infraction à de nombreux articles de loi et nous expose, lui comme moi, à la censure et à de nombreuses sanctions pénales.
Mon éditeur et moi-même assumons les conséquences de cette publication, en toute conscience. »
Ainsi, l’auteur se fond avec le narrateur et nous livre avec la force d’un coup de poing le témoignage de Louise, prenant un soin maniaque aux détails : dans l’univers mis en scène comme dans la présentation du roman lui-même, de la couverture, interpelante et fidèle au contenu, aux détails du récit en passant par la présentation de l’histoire. Et ça fait qu’au final, on y croit presque. Et croyez-moi, à voir cette humanité se diviser, s’haïr, se détruire, on a peur.
Stéphane Servant le dit dans son prologue, mais on ne peut qu’être d’accord en refermant la dernière page de ce livre : « Réfléchir, c'est commencer à désobéir. Lire, c'est se préparer à livrer bataille ». Et ce livre me semble d’autant plus tout à fait nécessaire.
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