Jade vit dans un quartier pauvre de Portland, dans l'État américain de l'Oregon. Quelle perspective d'avenir y a-t-il pour les jeunes de son coin? Trop peu pour elle! Pourtant, l'adolescente caresse le rêve de découvrir le monde et de vivre des arts plastiques. C'est avec cet espoir au coeur que, tous les matins, elle se tape une heure de bus pour se rendre à un riche collège privé – surtout fréquenté par des Blancs – duquel elle bénéficie d'une bourse pour l'excellence de son dossier scolaire.
À sa troisième année au collège, Jade est toutefois assaillie de doutes. Est-ce illusoire d'espérer sortir un jour d'ici? Entourée de quelques amies, de sa famille et de sa marraine Maxine du programme Entre Femmes, l'étudiante tente de trouver sa place dans une société empreinte de racisme et de sexisme, qu'elle arrive mal à saisir et qui ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues.
Sortir d'ici est un roman réaliste, initiatique et psychologique américain qui s'intéresse à la mobilité sociale des jeunes femmes noires, majoritairement issues de milieux socioéconomiques défavorisés. Retraçant aussi l'histoire des Noirs en Amérique et leur culture, il s'adresse à un lectorat plutôt mature et intéressé par les questions sociales.
D'emblée, j'avoue que j'ai trouvé le début de ma lecture ardu. Même si Jade est consciente de la valeur de son entourage, elle demeure pessimiste et tout va mal. Elle n'a pas confiance en sa marraine – une jeune bourgeoise noire qui veut sauver le monde et qui cumule les erreurs –, elle crève de faim et elle se sent coupable de tourner le dos à ses amis pour une école de Blancs. Si on constate qu'elle chemine néanmoins dans ce décor anxiogène, l'autrice utilise pour ce faire de grandes phrases sur la vie, que je sentais trop travaillées, trop clichées, et ce, sans qu'il y ait de rebondissements qui m'accrochent. Si ce n'était pas de quelques scènes injustes et prenantes, j'aurais probablement abandonné – je mentionne au passage la scène dans un restaurant rapide où elle se fait ridiculiser sur son physique par un groupe de gars.
Et c'est finalement vers la moitié du livre que Jade prend son envol et que les meilleurs surprises commencent! À partir de ce point, plutôt que simplement subir insidieusement les travers de la société, Jade prend conscience du rôle qu'elle peut jouer et cherche désormais à devenir une véritable actrice du changement. L'étincelle : une adolescente de la ville voisine fait les manchettes pour avoir été inutilement battue par des policiers. Quand on se compare, on se console! Que peut-elle faire pour aider? Révoltée, elle décide de tirer le meilleur parti de toutes ses opportunités, et cela la mènera loin!
Sortir d'ici présente d'intéressants paradoxes. Jade souhaite partir, mais commence à s'épanouir en s'intéressant de plus en plus à ce qui se passe près de chez elle. Jade va au renommé collège privé loin de chez elle, mais ce sont les réflexions de son amie Lee Lee, tirées de ses cours à l'école peu recommandable du quartier, qui lui servent de déclencheur... Avec ses amis, qui vivent en partie les mêmes défis qu'elle, la jeune femme en devenir réfléchit sur l'histoire des Noirs (dont principalement sur York, un esclave pionnier de la conquête de l'Ouest) et s'inspire de modèles sociaux desquels elle puise beaucoup de motivation. Cela rappelle le fameux « American Dream » : chacun peut, à la sueur de son front, gravir les échelons de la société. Mais l'autrice s'en tient idéologiquement très loin, en fait. En voyant évoluer Jade, qui grandit au fur et à mesure qu'elle contribue à sa société, le lecteur constate plutôt que l'épanouissement de chacun et l'ascenseur social sont inhérents à l'amélioration des conditions de vie des communautés les plus démunies.
En bref, après un début un peu laborieux, Sortir d'ici prend son élan et propose une impressionnante progression personnelle et sociale d'une adolescente défavorisée qui se cherche!
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