Tiny Pretty Things

Au Conservatoire de New York, c’est la tradition russe qui domine : des danseuses diaphanes, blondes, d’une maigreur à la limite de la santé. C’est pourquoi personne ne croit aux chances de Giselle, très douée, mais noire, quand elle arrive de sa Californie natale. Mais la distribution de Casse-Noisette les surprendra tous : c’est Giselle qui a obtenu le rôle tant convoité de la Fée des dragées et non pas Bette, à qui il semblait pourtant revenir. Bette qui a travaillé si fort et marche sur les traces de sa sœur, danseuse étoile et à laquelle sa mère la compare toujours. Dans l’ombre, les couteaux s’affinent. Comme l’an dernier, quand la nouvelle, Cassie, a été victime d’un « accident » après des mois de harcèlement. Il y a Bette, bien sûr, qui a l’impression que Gigi lui vole tout, les rôles et le petit ami en prime, mais aussi June, sa colocataire, qui est toujours dans l’ombre et qui doit, cette année, briller à tout prix si elle ne veut pas que sa mère la change d’école. Sans compter Henri, le nouveau venu, Français qui semble vouloir venger Cassie. Liz et Eleonore, depuis toujours à la solde de Bette, et encore Will, jeune homme manipulé et au bord de l’explosion. Chacun a des secrets, chacun est prêt à tout pour briller. Même si ça signifie détruire les autres.

Nous entrainant dans l’univers impitoyable de la danse classique, les autrices parlent de pression, de rivalité, d’héritage, d’anorexie, de solitude et d’amour dans un récit qui donne voix en alternance aux trois personnages principaux, Gigi, Bette et June. Cette histoire remplie de péripéties vise les lecteurs intermédiaires et avancés.

Mon avis

J’ai dévoré les quatre-cents pages de ce roman un peu comme en apnée, incapable de m’arrêter. Oui, il faut d’abord aimer l’univers de la danse classique puisque c’est une plongée en son cœur, mais si c’est le cas, alors c’est difficile à lâcher grâce à la construction du récit autour des deux spectacles, à la large galerie de personnages et aux nombreux rebondissements qui ponctuent l’histoire. Il y a quelque chose du « soap américain » dans la suite d’aventures, chaque personne étant typée, chacune étant prête à tout et c’est parfois un peu excessif (d’ailleurs je ne crois pas du tout au personnage d’Henri), mais c’est aussi cela qui fait l’accroche. On a l’impression que tout peut basculer à tout instant, que tous jouent leur destin à chaque chapitre.

Toutefois, il y a aussi une psychologie derrière, surtout dans le cas des trois narratrices. Vue de l’extérieur, Bette est une reine de glace sans émotion, mais elle est en réalité tout à fait vulnérable. Elle agit mal et est absolument détestable, mais par moment on a envie de la prendre en pitié quand d’on voit sa mère se comporter avec elle, quand on comprend comment elle a été éduquée et qu’elle est la pression sur ses épaules. Isolée, la colocataire de Giselle, June, a l’air d’être une victime au départ, mais elle est plus forte qu’il n’y parait. Dans sa lutte malsaine avec son corps qui lui vaut presque l’expulsion, dans sa relation difficile avec sa mère, sous le joug de la tradition coréenne, dans sa lutte pour la première place aussi. Et puis il y a GiGi, la seule soutenue par ses parents, celle qui attire la lumière et se montre toujours attentive, généreuse, qui attise la haine des autres à cause de sa gentillesse permanente. Mais elle aussi cache un secret…

Bref, si vous aimez la danse, les relations un peu tordues et les personnages qui se dépassent, c’est pour vous. Captivant!