Une vie en milonga

Après que la méningite ait causé la surdité d’Angelo, le fils des patrons, la vie au café Milonga a cherché son équilibre, chaque membre de la famille reprenant peu à peu le rythme. Mais si le jeune garçon semble bien se faire à l’absence de sons, ayant développé avec sa sœur un langage qui passe à la fois par la langue des signes et celle du cœur, sa mère refuse toujours d’apprendre cette langue des gestes et force Angelo à porter les prothèses qui lui font si mal parce qu’elle rêve d’une vie « normale » pour son fils et ne conçoit pas que celui-ci puisse s’être trouvé une autre réalité. Qu’il puisse être bien dans son univers fait de silences. Alors quand les difficultés s’accumulent et que la douleur devient trop grande, Angelo préfère partir avec Milonga, son nouveau chien.

Fanny Chartres parle de différence et d’acceptation de soi, de ses limites, de la capacité de l’être humain à se réinventer et de la culture sourde dans ce court récit qui, bien que misant sur le suspens de la disparition d’Angelo, est surtout psychologique. Pour tous les lecteurs.

Mon avis

Vous cherchez une lecture douce, vivifiante, qui arrive presque à vous faire sentir le sel de la mer et vous faire entendre une milonga, une variété de tango argentin, entre ses pages ? Ce livre est pour vous !

Il y a des auteurs qui savent nourrir leur roman de vie, de culture tout en suivant le fil de l’intrigue. C’est le cas de Fanny Chartres, qui, tout au long de cette histoire, parle de la culture sourde avec le personnage d’Angelo, oui, mais aussi de la musique argentine, de la plongée sous-marine avec ses mythes et légendes, et de la vie près de la mer. On ne s’ennuie donc jamais dans ce récit qui est en outre bonifié par la qualité de ses personnages. Ceux qui ressortent le plus sont Alma et Angelo, les deux principaux, avec la relation si douce, si belle, qu’ils entretiennent. Grande sœur protectrice, Alma est celle qui comprend le plus Angelo et qui tente de faire changer leur mère d’idée quant à l’utilisation des implants. En échange, elle utilise son petit frère pour espionner des conversations du café, notamment quand le beau Félix est dans les parages, ce qui donne de chouettes scènes. Sensible, à la fois mature et enfantin, Angelo est quant à lui un jeune garçon auquel on s’attache très vite. À travers lui, Fanny Chartres montre à quel point il est possible pour un enfant d’accepter, voire d’aimer sa réalité sans bruit, ce que certains entendants peuvent avoir de la difficulté à imaginer. À côté d’eux, il y a leurs parents, oui, mais aussi Apolline et ses couleurs éclatantes, son passé difficile, les deux habitués du café et leurs conversations matinales, Félix, le plongeur à qui Alma fait le l’œil, Rodin, le SDF du quartier… tout un éventail d’êtres bien incarnés, nuancés, dont humanité vient donner encore plus de chaleur au récit.

Si ce n’est pas un coup de cœur total (j’ai eu de la difficulté avec les surnoms que se donnent Alma et Apolline d’abord complètement absents puis trop présents une fois qu’ils sont expliqués et quelques petites facilités au fil du texte), cette lecture m’a offert un très chouette moment un peu hors du temps, un peu en vacances, tout en me faisant réfléchir au concept de normalité quand on parle de surdité, comme l’avait fait Direct du cœur, pour les plus vieux. Bref, c’est un roman que je conseillerai !  

Merci à l'école des loisirs pour le service de presse !