Le frère de Joe va mourir. C’est pour ça que Joe a quitté New York pour aller s’établir quelque temps au Texas, là où Ed attend sa peine de mort. Après 10 ans à n’avoir eu de contact avec lui qu’au travers un téléphone. Si la tante qui l’a élevé après la mort de son père et l’abandon de sa mère, alcoolique, est persuadée que Ed est un bandit qui a brisé la vie de sa famille, Joe, lui, ne sait pas que croire. Mais il est aussi conscient qu’il ne lui reste que peu de temps pour renouer les liens avec son frère et comprendre ce qui s’est passé. Parce que Ed a beau avoir un nouvel avocat, la justice n’a pas toujours de sens.
Écrit en vers libres, ce roman s’inscrit tout à fait dans l’air du temps, parlant de la différence de traitement aux États-Unis en fonction de la couleur de la peau et de la peine de mort, mais aussi de fraternité, de pardon et d’espoir. Il est rédigé dans une langue accessible et sa forme en permet une lecture rapide, mais ses thématiques visent les lecteurs plus matures.
Sarah Crossan a la faculté de faire vibrer l’émotion des gens ordinaires à travers sa plume et de toucher à l’universel (allo Inséparables !). Elle y arrive encore ici, racontant avec doigté l’impuissance de Joe, l’espoir qui s’amenuise au fil du temps, mais aussi toute sa réflexion sur l’origine de la délinquance de son frère, la réalité de sa famille, la génétique… et la culpabilité. Est-ce que l’innocence d’Ed change quelque chose ? Est-ce que le système est juste ? Et comment faire pour y faire face sans s’écrouler ?
D’actualité, vous dites ? Avec le mouvement actuel, ce récit prend encore une autre dimension, l’autrice nous entrainant dans le milieu carcéral et ses inégalités et démontrant si bien à travers le personnage de Joe l’impuissance ressentie par plusieurs. Et la colère. Ce personnage est d’ailleurs un bijou, Sarah Crossan étant arrivée à l’habiter avec des souvenirs et certains élans d’enfance, à bien rendre son adolescence dans toute sa construction, mais aussi sa façon d’être si « adulte » face à ce qui arrive. La nécessité de prendre de la maturité d’un coup pour affronter la situation.
Et tout ça dans un roman en vers ? Oui, oui. Parce que la force du genre, c’est d’aller à l’essentiel, de dépeindre une réalité par une suite de moments, d’instantané, par des images qui viennent parler directement au cœur. D’ailleurs, il faut toujours aussi remarquer le travail de traduction d’un roman en vers, ici réalisé de main de maitre par Clémentine Beauvais. Je n’ai pas lu la version originale, mais pour en avoir eu des échos, je sais que j’ai retrouvé dans la traduction française les jeux de sonorités et la langue accessible, mais qui forme de la poésie au fil des images. Chapeau.
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