Tu crois tout savoir, Jilly P.

Quand les parents de Jilly découvrent que sa nouvelle petite sœur a un problème de surdité, la jeune fille s’empresse d’en parler avec Derek, un garçon qu’elle a rencontré sur le forum littéraire portant sur son roman favori. Comme il est sourd aussi (et vraiment très intéressant), elle voit là un moyen supplémentaire de se rapprocher de lui. Mais Derek ne réagit pas comme elle le croyait et Jilly ne comprend pas pourquoi il la repousse alors qu’elle montre pourtant un intérêt envers sa communauté. Toutefois, un repas familial avec sa tante, seule femme noire de la famille, lui permettra de découvrir qu’on se met parfois les pieds dans les plats sans s’en rendre compte…

Avec Tu crois tout savoir Jilly P., Alex Gino aborde les thèmes du racisme, de la surdité, de l’amitié, de la famille et de l'amour dans un court récit qui fait réfléchir. C’est d’ailleurs le but avoué de l’auteur qui indique, à la fin du roman, avoir voulu écrire une fiction pour que ses lecteurs blancs se remettent en question et ouvrent leurs horizons.

Mon avis

Un livre qui se veut ouvertement être un outil de réflexion peut être rapidement didactique, ennuyant, avec des passages trop soulignés pour que ce soit fluide. Pourtant, avec ce court roman, Alex Gino a réussi à créer une histoire captivante et c’est à travers une fiction très crédible qu’il amène ses lecteurs à se questionner sur leurs propres pensées, sur les gestes qu’ils peuvent poser et qui se révèlent parfois blessants même si ce n’était pas l’intention de départ.

Il est donc d’abord question du rapport des « entendants » aux « malentendants », cette question servant d’élément déclencheur au récit et permettant au lecteur de découvrir un nouvel univers et de mieux comprendre, justement, comment l’aborder. L’auteur peut ainsi aussi développer la relation entre Jilly et Derek, intéressante à voir évoluer au fil des pages.

Mais il est ensuite question de racisme dans le récit. Celui qui est déclaré, un des oncles de Jilly ne ménageant pas ses commentaires, mais aussi celui qu’on appelle « racisme ordinaire » et qui apparait lors d’un repas de famille alors que la grand-mère de Jilly demande à sa bru de lui cuisiner une tarte à la patate douce « plat typique des Afro-Américains ». À travers l’incompréhension du personnage principal (en quoi cette demande peut-elle être choquante ? se questionne-elle), l’auteur peut expliquer au lecteur, situation claire à l’appui, comment une telle demande peut être perçue et de ce qu’elle implique. Jilly remet alors en question son silence, son rôle de témoin et réalise que, même si elle est blanche, son devoir est de prendre la parole pour que les autres comprennent ce qu’il se passe. Son courage surprend, inspire. Et c’est ce qui reste, même après la lecture de ce roman : cette nécessité de réagir quand on entend des commentaires déplacés, d’être un allié.e, mais surtout d’apprendre comment le faire pour ne pas se mettre les pieds dans les pieds dans les plats.

Le petit plus ? Derek et Jilly se rencontrent sur un forum qui parle d’un livre (qui n’existe pas) et où plein de lecteurs échangent sur et dans l’univers de leur roman. C’est chouette de voir des personnages démontrer tant d’enthousiasme autour d’un livre et, surtout, ça peut montrer aux lecteurs que ces types d’endroits existent en ligne !  

Merci à l'école des loisirs pour le service de presse !