Ils sont trois.
Il y a Lenny, qui depuis ses neuf ans tente de se tuer, certain que c’est la seule solution pour échapper à ce voisin devenu ami de ses parents, figure si importante dans la famille, à l’abri de tout soupçon, et qui pourtant abuse de lui à chaque occasion.
Il y a Saphir, dont l’entraineur de natation profite des compétitions pour toucher son corps, pour l’abuser.
Il y a Biscotte, qui s’est retrouvé un soir là où il n’aurait pas dû. Parti faire la fête, il est devenu le jouet d’une bande d’hommes qui l’ont humilié.
Heureusement, il y a aussi Esteban. Qui a aussi été abusé dans sa jeunesse, qui est passé par toutes les nuances de la colère, qui a bien failli en mourir à force de ne pas savoir comment oublier et qui a, finalement, le jour où son fils a atteint l’âge où son propre enfer a commencé, trouvé le courage de prendre la parole. Qui se déplace maintenant d’école en école pour expliquer son histoire. Montrer qu’on peut s’en sortir.
Avec Le jour où je suis mort et les suivants, Sandrine Beau aborde le difficile thème de l’abus sexuel, sous forme de pédophilie, d’inceste, d’agressions, d’abus de pouvoir, dans un court roman choral qui évoque plus qu’il explicite tout en en disant assez pour que le message soit clair. Percutant, mais nécessaire.
Sandrine Beau n’en est pas à son premier roman coup de poing. Et autant La porte de la salle de bain était nécessaire, autant celui-ci l’est aussi. Parce que la plupart du temps, quand on parle d’agression sexuelle, d’inceste, de pédophilie, on parle de filles. Les garçons restent trop souvent en retrait alors qu’ils vivent aussi ce genre de drame. Et qu’ils manquent de modèles, qu’ils ont l’impression d’être seuls, et donc se taisent. Le jour où je suis mort et les suivants est donc d’autant plus nécessaire qu’il met en scène quatre destins semblables. Chacun différent dans l’agression, dans la réaction, mais tous aussi percutants jusqu’à cette fin qui offre de l’espoir, qui autorise ses lecteurs potentiels à croire qu’il y a de la lumière. Ouf.
L’autrice montre clairement l’engrenage dans lequel tombent chacune des victimes, l’emprise des prédateurs, l’aveuglement des proches. Cette impression de ne pas pouvoir parler qui envahit les victimes, cette peur qui amplifie encore plus la souffrance. Le personnage de Lenny est particulièrement troublant (je lis d’ailleurs le début du roman dans le Podcast numéro 5 et c’est lui qui s’exprime), mais chacun d’eux touche, bouleverse. Lenny et sa volonté de mort, Biscotte qui refuse de se nommer, son prénom ayant été entaché, Saphir qui voit sa passion, ce pour quoi il est si doué, tout à coup devenir l’enfer. Il est aussi question de la difficulté de s’en sortir. Trop souvent, les victimes ne sont pas crues, les agresseurs étant si séducteurs, si hors de doute. Heureusement, Sandrine Beau parle aussi de la loi, des recours. Et le personnage d’Esteban vient montrer le chemin.
En bref, c’est un livre à lire, oui, pour son thème et l’intelligence de son traitement, mais c’est surtout un roman à partager, à laisser trainer, notamment dans les écoles secondaires. Parce qu’on ne sait jamais ce qui est tu et qui gruge l’intérieur…
Je vous en parle dans le podcast du 12 décembre !
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