Tom a 13 ans et Emma 18 quand ils partent avec des copains de l’ainée passer des vacances dans le village de C. Passionné d’extérieur, de grand air, de forêt, Tom s’enfonce un matin dans les montagnes environnantes, à la poursuite de ces feux qu’il a vu s’allumer la veille. Ayant croisé une clôture et un écriteau sur lequel était écrit un avertissement sérieux « celui qui entre ici n’en revient pas », qu’il a choisi d’ignorer, il ne rentre pas.
Deux ans plus tard, alors que les recherches policières ont été abandonnées depuis longtemps, Emma revient à C. Celle qui n’a jamais réussi à reprendre le cours de sa route n’a pas renoncé à retrouver son frère. S’enfonçant dans la forêt, c’est à son tour d’entrer dans le Domaine qui s’y trouve, protégé par la clôture.
De l’autre côté, dans un campement où les adolescents vivent en communion avec la nature, Tom est devenu Buck, s’est fondu dans sa communauté. Emma est invitée à rester, mais elle n’est pas « là » dans sa tête, elle n’a pas trouvé le lieu pour les bonnes raisons. Elle ne veut pas rester ; c’est son frère qu’elle veut ramener. Sauf que si le Domaine accueille, il ne rend jamais. Et la chasse commence.
Avec ce roman atypique, exigeant, qui alterne entre intuition et raison, entre naïveté et prise de conscience, entre douceur et violence, entre humanité et animalité, Vincent Villeminot offre une lecture ébouriffante aux lecteurs avancés.
Pour dire vrai, je ne sais pas trop comment vous parler de ce livre, comment aborder cette critique. C’est un roman surprenant, dépaysant, comme seul Vincent Villeminot arrive à le faire. Dans la lignée de Nous sommes l’étincelle, oui, pour cette part de « retour à la nature » et de l’importance de la jeunesse, mais si le premier est plus cadré, on est ici dans du hors-piste.
L’auteur brise certains codes tacites en littérature jeunesse (j’en dis plus dans le podcast de la semaine, mais je ne veux pas tout dévoiler ici pour ne pas gâcher la découverte) et joue avec la notion de personnage principal, de héros. On suit Tom au départ, puis Emma, puis ensuite d’autres jeunes de cette communauté qui s’est créée dans le domaine autour des Sources chaudes qui leur permettent de vivre dans la nature à l’année, communauté protégée par tout un village qui couvre ses traces (c’est d’ailleurs fascinant de voir comment ces gens peuvent « avaler » les moindres détails d’un passage).
À travers cette histoire, Vincent Villeminot questionne justement ce retour à la terre, cette volonté de permettre aux jeunes de vivre en communion à la nature, les sacrifices à faire pour y arriver. Que doit-on, que peut-on faire pour sauvegarder leur naïveté ? Et à quel moment cette envie pure devient-elle problématique ? C’est une exploration de l’âme humaine vraiment riche à travers un récit qui bifurque sans cesse, surprend, parfois lent dans sa construction, parfois plus rapide. Voilà une semaine que je l’ai terminé et je dois dire que je ne sais toujours pas très bien ce que j’en pense même si j’ai ressenti un grand plaisir à me faire bousculer dans mes attentes.
En fait, notez bien que l’avertissement du Domaine vaut aussi pour le livre : celui qui y entre n’en revient pas (du moins pas indemne).
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