Jadis, la magie était partout sur la terre d'Orïsha. Mais une nuit, ce qu’on a appelé ensuite le RAID, le roi, effrayé par les pouvoirs des Maji, a fait disparaitre les artéfacts et exterminé ceux qui contrôlaient la magie. Seuls les devins, les enfants, ont été sauvés. Mais depuis, des impôts sont levés juste pour donner une occasion à la garde de les envoyer à la réserve, là où ils travaillent jusqu’à en mourir.
Zélie a vu sa mère se faire tuer, être pendue et laissée sur place pour montrer l’exemple. Sa mémoire est remplie d’horreurs et son coeur, de rage. Difficile pour elle de tenir sa place, de la jouer discrète. Un jour, dans le marché d’une ville où elle tente de vendre un poisson pour pouvoir payer un nouvel impôt, elle croise la route d’une fuyarde poursuivie par les gardes royaux. N’écoutant que son instinct, elle la protège, quitte à les mettre, son frère et elle, en danger aussi.
Ce qu’elle ne sait pas, c’est que la jeune femme est la princesse Amari. Une princesse qui a vu le vrai visage de son père, a mis la main sur un artéfact et a décidé de fuir emmenant avec elle ce qui pourrait bien rendre aux Maji ce qui leur appartenait.
Une course commence. Entre Zélie qui pourrait redonner la liberté à son peuple et Inan, lancé sur les traces de sa soeur, futur roi bien déterminé à suivre les traces de son père…
De sang et de rage propose une intrigue dense racontée à trois voix et se déroulant dans une Afrique imaginaire où rôdent les animaux fantastiques et où la peur de la différence a fait de nombreux ravages. Bien que situant son récit dans la fantasy, Tomi Adeyemi parle de racisme, de répression, d’injustice et de brutalité policière. Pour les grands lecteurs.
Paru depuis un an, ce livre n’a pas eu beaucoup de répercussions dans la francophonie alors pourtant que c’est un roman qui allie un monde imaginaire fascinant et une intrigue qui fait écho à la réalité des Noirs encore maintenant, un livre qui se veut un cri du cœur tout en étant construit comme un « page turner ».
« Pour faire simple c’est Black Panther avec de la magie », décrivait Tomi Adeyemi sur le plateau de Jimmy Fallon et je dois dire que c’est une comparaison qui se tient !
Basé sur le culte des Orishas par les Yorubas, en l’Afrique de l’Ouest, l’univers présenté est riche et propose une galerie de personnages à multiples facettes, des croyances et des rituels qu’on sent réfléchis et ancrés dans quelque chose de plus large ainsi que des animaux extraordinaires (coucou le léopardaire) qui permettent au lecteur de s’extasier par moment. Mais tout fascinant qu’il soit, l’univers est surtout mis au service d’une intrigue qui est, au final, imprégnée de réalisme.
D’abord parce qu’il est question de filiation, de notre façon de placer souvent nos parents sur un piédestal et de croire ce qu’ils nous disent, de notre manière d’intégrer en nous ce qu’ils nous lèguent aussi, puis parce que Tomi Adeyemi parle de deuil, de rage devant l’injustice, de quête de pouvoir, de quête de liberté, autant de thèmes qui s’entrecroisent dans la course poursuite qui se joue devant nos yeux et amène les deux adversaires à finalement se faire face à eux-mêmes, dans tout ce qu’ils sont, dans tout ce qu’ils ont accepté, ce qu’ils espèrent de leurs parents aussi. J’ai aussi beaucoup aimé le fait que tout est nuancé : les personnages ont des forces, mais aussi des failles, mais les peuples aussi. Ce ne sont pas que les « bons » Maji contre l’horrible roi, c’est l’histoire d’un peuple qui a été et est violemment réprimé, mais qui, et l’autrice ne le cache pas, avait aussi ses failles lorsqu’il était au pouvoir.
Bref, c’est bien fait et, s’il y a quelques longueurs par moments (mais très peu), ça se lit facilement parce que l’univers raconté prend vie devant nos yeux et qu’une péripétie n’attend pas l’autre. D’ailleurs, la suite est déjà parue en anglais et les droits d’adaptation ont été achetés. Ce n’est donc pas la dernière fois que vous en entendez parler !
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