Cette nuit-là

Il y a Alex, qui tremble dès que son père est dans la maison. Agathe, qui ne sait pas comment se rapprocher de l’objet de son amour sans l’effrayer. Jav, qui cache la femme avec qui il sort depuis quelques mois. Sarah, qui ne laisse plus la nourriture entrer dans son corps depuis trop longtemps. Et Eden, qui ne supporte ni d’être touché ni de montrer sa peau.

Cette nuit-là, il y a aussi Matthys qui ira trop loin. Et tout volera en éclats, comme si la noirceur engloutissait ce qu’il reste d’enfance. Mais ensemble, ils peuvent traverser l’épreuve.

Avec Cette nuit-là, Aurélie Massé signe un roman dont la couverture pourrait laisser penser que c’est un thriller, mais qui propose plutôt un récit psychologique dense. Abordant les thèmes de l’amitié, de la pression familiale, de l’anorexie et du viol, elle s’adresse à un lectorat intermédiaire et avancé.

L’avis de Sophie

C’est une lecture surprenante que celle-ci. J’ai eu l’impression que c’était un peu le fouillis au départ, les chapitres courts se suivant à toute vitesse, chacun donnant la parole à un personnage différent. J’ai mis environ 50 pages à les distinguer, à les reconnaitre (ça n’aide pas que Gabriel soit renommé. Jav par les autres, d’ailleurs), à comprendre la dynamique de chacun. L’écriture varie peu selon chacun, si bien que c’est un peu flou. Mais, ça finit par s’éclairer, on distingue les caractères et on voit surtout que deux des personnages (peut-être trois, d’ailleurs, j’ai hésité longtemps) ont des ennuis plus dramatiques que les autres. Sarah, dont le rapport à la nourriture est clairement problématique, et Éden. Éden qui est bon élève, qui écoute les consignes, mais qui chaparde aussi des trucs en permanence, comme un besoin, et qui s’enfuit du cours de natation quand le prof découvre qu’il a falsifié un mot de sa mère. Hors de question de montrer son corps. Il y a anguille sous roche.

Et puis la journée se termine, la nuit commence. Il y a d’abord une fête, ou certains se croisent, puis le départ, chacun de son côté et la détresse d’Eden. La maison vide. Le retour de son frère. Le viol.

On en revient alors à la première phrase du roman « Le choc aigu étoile ma vitre à la manière d’une araignée. ». Sous la fenêtre de Jav, il y a Eden. Qui appelle au secours. Et toute la bande se réunira, implosera, passera la nuit à tenter de l’aider.

« Si je ne suis pas en sécurité dans ma propre peau, alors je ne suis plus en sécurité nulle part. On a envahi ma maison, puis ma chambre et mon corps. Où vais-je me reposer ? »

C’est intense, c’est dense, c’est parfois un peu répétitif, mais en même temps c’est riche de voir comment chacun réagit, comment ils ont besoin de tous pour surmonter l’épreuve et comment les langues se délient au fil de la nuit, chacun racontant son histoire. Qui semble mince en comparaison du drame d’Eden, et pourtant, chaque ressenti est important. Chaque choc crée une faille… mais peut aussi devenir une force. Bref, Cette nuit-là, c’est un livre puissant qui parle d’un sujet difficile, un concentré d’émotions qui ne plaira pas à tous et qui ne s’adresse pas à tous non plus, vu la complexité de la trame et la dureté du thème, mais qui est aussi vraiment percutant et très bien écrit. À découvrir !