Suite à un malencontreux incident le premier jour de son entrée au secondaire (et le premier jour de sa scolarité puisque ses deux mères l’éduquaient à la maison durant son primaire), Wilbur est affublé d’un surnom débile (qui fait référence à son pénis et sa difficulté de le gérer) et a toujours été la risée de la plupart des élèves. On le retrouve quelques années plus tard, alors que son meilleur ami est son vieux voisin, avec qui il partage une passion pour les dinosaures, qu’il est exploité dans le commerce de restauration rapide où il travaille pour aider financièrement ses mères et qu’il essaie tant bien que mal de dissimuler son grand corps dans des vêtements informes et gris.
Faisant partie de l’orchestre de l’école, il s’apprête à accueillir une Parisienne chez lui pendant une semaine avant de se rendre lui-même à Paris. C’est le début d’une aventure qui le fera évoluer… et gagner en couleur !
Ce roman s’inscrit dans la bibliographie sensible de Susin Nielsen, qui y traite avec bienveillance, humour et finesse de famille, d’amitié, d’affirmation de soi et d’évolution. Pour un lectorat intermédiaire et avancé !
Chaque roman de Susin Nielsen est attendu, l’autrice canadienne faisant partie de ceux qui ont créé un univers bien à eux, une constellation de personnages qui se croisent au fil des livres, mais aussi de thèmes qui lui sont chers et qu’elle revisite selon différents angles. Si Ma vie (racontée malgré moi) allait un peu ailleurs, avec une situation de départ plus dure, ici on est dans un récit qui ravira les habitués : Wilbur vit dans une famille aimante, mais parfois maladroite, il est isolé à l’école parce que différent, il y a des références à un autre personnage de la série (l’ancien meilleur ami de notre héros est Stewart de Nous sommes tous faits de molécules), il y a une amitié intergénérationnelle au premier plan et une « transformation » subie par le personnage principal au fil du livre, notamment grâce à l’amitié.
Et dès les premières pages, j’ai été conquise, riant de bonheur (et de malaise) devant cette prémisse particulièrement accrocheuse : lors du début de l’année, un des enseignants de Wilbur demande à ses élèves de s’écrire une lettre pour leur « soi-même » futur, lettre que personne d’autre qu’eux ne liront puisqu’elle sera enfermée dans une capsule « temporelle » à laquelle seul le prof a accès. Celui-ci encourage donc ses élèves à être honnêtes et authentiques, ce que Wilbur prend au pied de la lettre. Dans son texte, Il parle, entre autres choses, de sa volonté de grandir proportionnellement puisque son pénis, celui qu’il nomme Jeremiah ou Camille (selon la version française ou québécoise) est à l’heure actuelle aussi petit qu’un têtard. Il écrit aussi qu’il n’arrive présentement pas à le contrôler et qu’il se lève en toute occasion. Bref, il est TRÈS honnête avec lui-même. Sauf que sa lettre tombe au sol et est récupérée par Tyler, l’intimidateur de la classe, qui s’empresse de la mettre sur les réseaux sociaux. C’est à la fois vraiment triste, vraiment drôle et tout à fait crédible tout en donnant le ton à cette histoire qui reste ensuite dans la même veine (tout en étant un peu moins spectaculaire).
J’ai aimé les références à la culture populaire (le passage « Queer eye » est génial), la dynamique entre Sal et Wilbur, le personnage de Charlotte aussi, une Parisienne bien décidée, bien dans sa peau, avec beaucoup d’humour, et le passage de Wilbur à Paris, qui permet à l’autrice de faire des clins d’œil bienveillants à tous les clichés possibles. On célèbre l’amitié avec un grand A dans ce livre et ça suscite vraiment chez le lecteur un sentiment de bienêtre.
Est-ce complètement surprenant ? Pas si on connait Susin Nielsen et ses habitudes, puisqu’on reconnait ici le parcours d’autres de ses héros, mais ça reste un véritable plaisir à lire, encore plus si on aime justement ces récits psychologiques réalistes qui placent leur héros dans des situations parfois abracadabrantes, mais qui célèbrent aussi la communauté et la force de chacun. À découvrir !
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