Dès que les bombes nucléaires ont commencé à pleuvoir, le Père a mis sa famille en sécurité en la descendant au sous-sol. Leur vie s’est ainsi recréée sous terre. Le Père, la rigueur incarnée, pieux, sévère, le seul qui remonte pour aller chercher de la nourriture dans la serre. La mère, soumise, fragile. Et les deux soeurs, Leslie et Amy, qui grandissent en oubliant peu à peu la vie d’avant, s’accrochant à l’espoir d’un jour remonter. Revoir le ciel. Mais les années passent et le Père continue de dire que l’extérieur est trop dangereux, qu’elles doivent rester en bas. Même si la mère perd la tête après la naissance du petit frère, même si les tensions couvent et que les soupçons germent. Parce que devant les doutes, le Père n’a qu’une solution. La violence.
Avec un récit court et dense où les lecteur.trice.s ont l’impression d’être enfermé.e.s sous terre à leur tour, à la merci du Père, Martine Pouchain parle de famille, bien sûr, mais aussi de l’emprise psychologique, de l’endoctrinement de la difficulté de se révolter dans un tel cadre. Pour un lectorat avisé.
J’étais heureuse de retrouver Martine Pouchain, qui revient après quelques années en littérature ado avec ce roman bref, brut, incisif, faisant encore une fois la démonstration de la qualité de sa plume, mais aussi de la dureté du monde.
Son huis clos est efficace et l’ambiance, étouffante. Les fillettes sont d’abord plus jeunes, la plume est naïve, les réflexions aussi, mais le fil du temps se déroule rapidement et, lors de l’arrivée du frère, l’ambiance change, quelque chose ne va plus. Le discours du Père, les persuadant que sa famille et lui sont des Élus, que le monde extérieur est devenu un enfer, perd de son brillant, craquèle alors que l’enfance cède la place à l’adolescence. Mais même si les filles comprennent peu à peu qu’elles sont en fait prisonnières de son délire, comment s’en sortir ?
Oui, c’est prévisible, et c’est sans doute que ce plusieurs lui reprocheront : c’est un récit qui n’est pas nouveau et on comprend rapidement où l’autrice nous emmène, mais… mais il a un écho encore plus fort avec ce qui se déroule en ce moment dans l’actualité et, surtout, Martine Pouchain donne sa propre couleur à l’ensemble. Elle est particulièrement forte dans l’évolution des personnages, alors qu’on voit comment Leslie et Amy sont complètement sous la coupe du Père au départ, puis en aperçoivent les fissures. Comment leur esprit, pourtant formé par leur parent, sans contact extérieur, cherche l’air, le ciel. Puissant.
Le petit plus ? Le lien que noue l’autrice entre son récit et celui de Rapunzel (Raiponce), conte de fée que les deux soeurs ont lu et relu en grandissant, et qu’elles voient d’un autre oeil au fil des ans…
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