Des sauvages et des hommes

Quand Edou entend que certains membres de son village se font proposer un voyage en Europe pour aller montrer aux Français les coutumes et traditions de son peuple, il n’hésite pas une seconde. Lui aussi ira, coute que coute. C’est ainsi que, clandestinement, il se glisse dans le groupe le jour du départ et remplace l’un des leurs avant de rejoindre le bateau, première étape du voyage qui les conduira à l’exposition universelle.

Victor, lui, accompagne sa famille la première fois qu’il visite l’exposition et il est stupéfait à la vue de ces êtres qu’il pense mi-hommes, mi-animaux, décrits comme de dangereux anthropophages. Mais quand il comprend qu’au moins l’un d’entre eux sait lire, ses certitudes s’effondrent. Qui sont vraiment ces hommes de l’autre côté des barreaux de la cage ?

« Il avait parlé de mission "culturelle". Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier, puisque leur culture était précisément tout ce qu'on essayait de leur faire oublier ? »

Avec Des sauvages et des hommes, Annelise Heurtier jette un éclairage cru et percutant sur des traditions européennes d’antan. En nuances et avec le souci du détail historique, elle aborde avec cette fiction les thèmes de la manipulation, de lu colonialisme et du choc des cultures. Pour tous.tes !

L’avis de Sophie

Encore une fois, Annelise Heurtier atteint le coeur de la cible avec ce roman qui crée un malaise certain chez ses lecteur.trice.s tout en étant absolument nécessaire.

Entendre parler des « zoo humains » c’est une chose, le vivre de l’intérieur grâce à la narration d’Edou, c’est autre chose. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une lecture légère dont on sort indemnes (une chance) puisque le récit nous fait réfléchir aux fondements du racisme et au pouvoir de la propagande.

Pour y arriver, Annelise Heurtier ne s’est pas contentée d’un point de vue. Elle met aussi en scène une famille parisienne qui dévoile l’autre côté de la médaille, avec les parents et les enfants, tout à fait crédules devant la propagande, mais aussi Victor, qui étudie en droit, ce qui permet à l’autrice de présenter des discussions entre étudiants qui ont des avis contraires sur cette exposition.

Ce double regard montre les lacunes de cette époque, alors que l’information qui circulait était morcelée, travaillée, et que les visiteurs ne se rendaient absolument pas compte des conditions de vie des « artistes », des impacts d’un tel spectacle ou encore de la mascarade à laquelle ils étaient forcés de participer. C’est choquant, d’autant que les faits sont réels, seuls les personnages étant fictifs, et qu’on se comprend, avec le décalage que permet le temps qu’y passe, de toute l’horreur qu’un tel voyage pouvait être. Bref, c’est un récit percutant, enrageant par moments, oui, mais aussi très éclairant.

Merci à Casterman pour le service de presse!