Missié

L’esclavage a beau avoir été aboli en 1865 aux États-Unis, le racisme et sa violence font encore rage. Il y a les Blancs, au-dessus des autres. Puis les « bons Noirs », qui travaillent pour les premiers et prennent de haut les autres et les « Noirs ordinaires », en bas de l’échelle. Ceux qui servent de chair à canon pour l’armée, ceux qui paient de leur sueur, de leur vie le rêve américain des autres. Parmi ceux-là il y a Martin, 14 ans. Qui a toujours connu cette violence et cette injustice, mais qui ne savait pas que cela pouvait atteindre ce point. Ce point où lui est accusé d’un crime qu’un autre, un Blanc, a commis. Et qui sera tué pour ce crime.

Inspirée de l’histoire de George Junius Stinney Jr, plus jeune Noir américain à avoir reçu la peine de mort, cette histoire signée Christophe Léon et illustrée par Barroux ne fait pas dans la demi-mesure et montre frontalement les horribles exactions auxquelles a fait face la communauté afro-américaine aux États-Unis. Attention, dans un souci historique, l’auteur et l’éditeur ont choisi d’utiliser à de multiples reprises un vocabulaire qui pourrait choquer les lecteurs et lectrices.

L’avis de Sophie

Impossible de lire ce récit sans penser à Né coupable, publié l’année dernière chez Talents hauts, autre histoire inspirée de celle de Georges Junius Stinney Jr. Mais là où Florence Cadier offre une version plus lisse de la réalité (et qui éveille déjà de la colère étant donné ce qui est exposé) avec les mots contemporains et un regard externe plus neutre, Christophe Léon fait, lui, le choix de l’hyperréalisme. Missié enfonce ses lecteurs et lectrices dans la brutalité de l’époque, notamment grâce à ce mot, « Missié », qui rythme l’histoire et résonne longtemps après qu’on en ait refermé les pages. Ce Missié à qui Martin raconte ce qui lui est arrivé, lui qui est mort des suites d’une horrible injustice. C’est dur, frappant, ponctué de scènes intenses mises en relief par les illustrations au trait sobre et efficace de Barroux… sans parler de la fin.

Ce récit est en fait un reflet honnête et percutant du monde d’avant, mais c’est aussi le genre d’œuvre qui pourrait, à notre époque, être précédée d’un « TW » étant donné la violence de ce qui est représenté. Est-ce nécessaire ? Je ne le sais toujours pas alors que ça fait un bon moment que j’ai terminé ma lecture. Néanmoins, je dirais qu’il est impossible que Missié laisse son lectorat de glace. Et qu’en cela, entre autres, il est important.  

Merci aux éditions D'eux pour le service de presse