Quand Adrienne voit Joey sur son balcon ce matin-là, son premier réflexe est de trouver une solution pour l’éviter. L’adolescente cherche un moyen de se rendre à Trois-Rivières pour y retrouver Léonie (et profiter de l’absence de leur amie commune pour s’en rapprocher), elle n’a pas de temps à perdre avec sa petite voisine. Mais voilà, le message que cette dernière lui laisse sur son répondeur est surprenant.
« Il faut que tu m’aides pour quelque chose. Moi je serais pas capable toute seule, mais toi, avec tes cours d’estime, tu sais comment te battre à l’épée. Euh… c’est ça, je suis sur la galerie. »
Le problème, c’est que la fillette n’y est plus quand Adrienne finit par sortir. Et si les premiers indices liés à sa disparition ne mènent nulle part, l’adolescente comprend rapidement qu’un vieil ami est impliqué. Un vieil ami étrange. Aux penchants… morbides.
Avec ce récit qui propose un suspens mêlé au fantastique (oui, démon il y a), François Blais signe surtout une histoire qui parle d’amitié et pose un regard lucide et pointu sur les relations amicales troubles. Pour lecteur.rice.s intermédiaires et avancé.e.s.
Oh que cette lecture fut particulière. D’abord parce que l’auteur est décédé cette année, donc Le garçon aux pieds à l’envers est sa dernière œuvre jeunesse, et que c’est d’une grande tristesse tellement sa plume est singulière et juste. Ensuite, pour cette justesse. Je pourrais résumer le roman en mettant l’accent sur le retour inattendu de l’ami-pas-si-imaginaire d’Adrienne, du stress qu’il fait monter, de son omniscience inquiétante (tout comme l’est sa propension à jouer à des jeux dangereux), bref, tout ce qui fait un bon roman fantastique qui flirte avec l’horreur, mais ce serait passer à côté de l’essence. « L’amitié est sans pitié » est-il écrit en haut de la quatrième de couverture, et toute cette réflexion sur les relations à l’adolescence, parfois nourries par la jalousie, altérées par l’incompréhension, troublées par la mauvaise interprétation des gestes de l’autre vient ajouter un niveau psychologique vraiment croustillant à l’ensemble. Et cela, sans compter encore la qualité du regard des personnages secondaires. Certains prennent plus de place, comme le chasseur de démons belge (absolument savoureux) et d’autres ne font que passer, mais chacun laisse une empreinte, le temps d’une description, d’une réflexion, participant à dépeindre l’univers d’un petit village de campagne éclectique et particulier tout en étant universel.
En bref, c’est du grand François Blais. Un livre surprenant, que je ne sais pas encore bien à qui conseiller parce que ce double regard et la lenteur de l’intrigue a peut-être touché plus l’adulte en moi, mais je sais que les lecteur.rice.s avides d’histoires originales et curieux.ses du monde qui les entoure s’en régaleront.
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