« Tu vas droit dans le mur, et tu y vas en chantant »
Quand Judith le voit, c’est le coup de foudre. Un homme comme lui, mature, brillant, attentionné, ça ne se trouve pas au lycée. Quelle chance elle a qu’il l’ait remarquée, elle, nageuse plutôt solitaire. Mais lorsque la relation se complique, se perd entre règles et excuses, qu’elle s’oublie pour lui, que l’amour se révèle plus en torture qu’en moments doux, Judith va devoir ouvrir les yeux. Et sortir la tête de l’eau pour réapprendre à respirer.
Bref, percutant, ce roman de 128 pages parle d’abus psychologique et de relation toxique et montre de l’intérieur les mécanismes qui font que les victimes ne se rendent pas compte du piège dans lequel elles tombent avant qu’il soit trop tard. Pour un public avisé.
TW : ce roman parle d’abus de la part d’un adulte sur une adolescente et pourrait faire remonter des souvenirs désagréables, l’écriture d’Emmanuelle Rey étant particulièrement efficace.
En effet, tant la structure du récit que la plume de l’autrice participent à cette sensation d’être aspiré.e avec l’héroïne dans un trou noir. Et si les lecteur.rice.s voient clairement se dessiner le personnage de grand méchant loup derrière le prince charmant initial, la Judith de 16 ans, même si elle est mature à plusieurs points de vue, ne discerne pas le portrait global, se laisse aveugler par les paillettes du début et ne se rend pas compte des œillères que Colin, prédateur quasi ordinaire, lui installe .
Ce qui est intéressant aussi c’est que Judith n’est pas isolée : elle a une famille aimante, des amies, des proches. Alors qu’on pourrait penser qu’une telle situation touche surtout les adolescent.e.s démuni.e.s, c’est faux et on le découvre bien ici. Colin offre simplement à Judith ce qu’elle ne trouve pas ailleurs. On assiste avec effroi au phénomène de dépossession de soi et il est remarquable qu’on ne sente pas le jugement de l’autrice, qui marche sur un fil mince. Toute la place est laissée à la réflexion, la réaction du lectorat (et j’étais en colère, croyez-moi), tant lors de la descente aux enfers que lors du (long) processus de sevrage.
En bref ? Un récit fort adapté à un public adolescent, des passages absolument glaçants tant le rendu est réaliste qui en font un roman éducatif sans qu’on ait l’impression d’être tenus par la main.
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