Peu après son arrivée au secondaire, le narrateur a été étiqueté: victime. Pourquoi? Parce qu'il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, qu'il n'a pas résisté, que ses bourreaux ont eu du plaisir à le voir souffrir. Puis les humiliations, les extorsions, les coups se sont multipliés, les autres élèves, les enseignants et les parents devenant des témoins silencieux, incapables de briser le cycle, la moindre lueur d'espoir étant soufflée avant même d'avoir pu réellement vivre. Plongé dans le noir, isolé, le narrateur ne pense bientôt plus qu'à une seule chose: se venger, traverser la ligne mince qui sépare la victime du bourreau, renverser les rôles. Peu importe le prix.
Eux est un court roman puissant et déstabilisant qui traite d'intimidation à travers le regard de la victime. Si le thème a été abordé dans de nombreux romans, celui-ci ose aller plus loin, montrer qu'il n'y a pas toujours de solution et que, parfois, la fin est aussi noire que l'histoire. Pour lecteurs avisés, donc, parce que vous n'en sortirez pas indemnes.
J'ai été profondément troublée par la lecture d'Eux. D'abord parce que l'auteur va plus loin que ce qu'on est habitué de lire, tant dans la brutalité des scènes décrivant les malheurs du narrateur que dans sa réaction, ensuite parce que le flou autour de la ligne séparant les victimes des bourreaux, très réaliste, est terrifiant.
Je vous préviens tout de suite, même en étant un lecteur avisé, lire ce roman est difficile parce que, grâce aux petites phrases qui viennent se glisser dans les chapitres, on comprend dès le départ que le tout se finira mal et on sait que l'enfer où est plongé le narrateur ne s'arrêtera pas, que ni les autres élèves, ni les parents, ni les enseignants ne pourront empêcher ce qui se passe. C'est d'ailleurs une des choses qui m'ont amenée à me questionner encore plus en tant que prof. On fait de notre mieux, mais est-ce assez? En entendant le narrateur, j'avais des images de mes classes qui me revenaient en tête. En ai-je laissé passer? Ai-je fait tout mon possible? Ai-je parfois raté mon coup?
Le petit plus? L'écriture est soignée et l'auteur a choisi de ne jamais nommer les agresseurs ou la victime, leur permettant de prendre le visage de tout le monde à la fois. Parce que, comme le dit si bien la quatrième de couverture: et si Eux, c'était nous?
Merci à Leméac pour le roman!
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Un roman poignant et coup de poing que j'ai recommandé à mes élèves avec mille précautions. Un roman nécessaire, merci Patrick Isabelle!